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HÉRÉDITÉ.

très-fortement galonnés, avec d’autres qui ne l’étaient que d’une manière très-insuffisante. »

On a remarqué que, bien que dans une même famille on rencontre souvent plusieurs sourds-muets, et que la même infirmité s’observe chez des cousins ou autres alliés, il est rare que les parents soient atteints de surdimutisme. Pour en citer un exemple, sur 148 enfants présents en même temps à l’Institut des sourds-muets de Londres, pas un seul ne provenait de parents semblablement affectés. Encore, lorsqu’un sourd-muet de l’un ou l’autre sexe se marie avec une personne saine, il est rare que les enfants présentent l’infirmité : en Irlande, sur 203 enfants dont les parents étaient dans ce cas, un seul se trouvait muet. Et même, dans les cas de surdimutisme chez les deux parents, sur 41 mariages dans les États-Unis et 6 en Irlande, il ne naquit que 2 enfants sourds et muets. En commentant ce fait remarquable et fort heureux de l’interruption occasionnelle dans la transmission en ligne directe de cette infirmité, M. Sedgwick[1] croit devoir l’attribuer à ce que « son excès même renverse l’action de quelque loi naturelle du développement. » Mais, dans l’état actuel de nos connaissances, je crois qu’il est plus sûr de regarder ce fait comme simplement inexplicable.

Quant aux faits relatifs à l’hérédité de mutilations ou d’altérations causées par maladie, il est difficile d’arriver à des conclusions certaines. Dans quelques cas, des mutilations ont pu être pratiquées pendant un grand nombre de générations, sans aucun résultat héréditaire. Godron[2] a fait remarquer que, de temps immémorial, certaines races humaines se font sauter les incisives supérieures, s’amputent des phalanges des doigts, se pratiquent des trous énormes dans les lobes des oreilles ou dans les narines, s’entaillent profondément diverses parties du corps, sans qu’on ait aucune raison de croire à l’hérédité de ces mutilations. Des adhérences résultant d’inflammation, ou les marques de petite vérole (et autrefois, bien des générations consécutives ont dû ainsi être marquées), ne sont pas héréditaires. Je tiens de trois médecins israélites que la circoncision,

  1. O. C. p 1861, p. 200–204, donne de grands détails sur le sujet, avec toutes les références.
  2. De l’Espèce, t. II, 1859, p. 299.