Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
291
DES CONDITIONS EXTÉRIEURES.

difficiles à distinguer dès la seconde année, et se confondirent complétement la troisième.

La nature de la saison a une influence spéciale sur certaines variétés de Dahlias, et deux variétés qui, en 1841, s’étaient montrées excellentes, furent très-mauvaises l’année suivante. Un amateur célèbre[1] raconte qu’en 1861 plusieurs variétés de Rosiers avaient tellement dévié de leur type, qu’on pouvait à peine les reconnaître ; et qu’en 1862[2] les deux tiers de ses Auricules avaient produit des touffes centrales de fleurs remarquables par leur déviation du type ; il ajoute que quelques variétés de cette plante peuvent être bonnes pendant une saison et mauvaises la suivante, le contraire arrivant à d’autres variétés. L’éditeur du Gardener’s Chronicle[3] a constaté, en 1845, une tendance singulière chez beaucoup de Calcéolaires à revêtir une forme tubulaire. Dans les Pensées[4], les variétés tachetées n’acquièrent leurs vrais caractères que lorsque la chaleur s’établit, d’autres variétés par contre perdant leurs belles marques à ce même moment. On a observé des faits analogues sur les feuilles : M. Beaton[5] affirme avoir levé de semis pendant six ans à Shrubland vingt mille plantes du « Pelargonium Punch, » sans y trouver un seul cas de feuilles panachées ; tandis qu’à Surbiton, dans le Surrey, plus d’un tiers des semis de la même variété eurent les feuilles panachées. D’après des informations que je dois à Sir F. Pollock, le sol d’un autre district de Surrey tend fortement à déterminer le panachage des feuilles. Verlot[6] dit que le Fraisier panaché conserve ce caractère tant qu’il croît dans un sol sec, mais qu’il le perd promptement dès qu’on le transplante dans un sol frais et humide. M. Salter, connu pour ses succès dans la culture des plantes panachées, m’apprend qu’en 1859, dans des rangées de fraisiers plantés suivant le mode ordinaire, il trouva dans une d’elles plusieurs plantes, inégalement éloignées les unes des autres, qui étaient devenues simultanément panachées et, fait singulier, toutes exactement de la même manière. Ces plantes furent enlevées, mais pendant les trois années suivantes d’autres plantes de la même rangée devinrent panachées, sans qu’aucune de celles des raies avoisinantes ait présenté cette particularité.

Les propriétés chimiques, les odeurs et les tissus des plantes, sont souvent modifiés par des changements qui nous paraissent peu importants. On dit qu’en Écosse la ciguë ne renferme pas de conicine. La racine de l’Aconitum napellus devient inoffensive dans les climats très-froids. La culture affecte facilement les propriétés médicinales de la Digitale. La Rhubarbe, qui prospère en Angleterre, ne produit pas la substance médicinale qui rend cette plante si précieuse dans la Tartarie chinoise. La Pistacia lentiscus ne fournit pas de mastic dans le midi de la France dont le climat paraît cependant lui convenir, puisqu’elle y croît en abondance. En Europe, le Laurus sassa-

  1. Journ. of Hort., 1861, p. 24.
  2. Ibid., 1862, p. 83.
  3. Gardener’s Chronicle, 1845, p. 660.
  4. Ibid., 1863, p. 628.
  5. Journ. of Hort., 1861, p.64, 309.
  6. Des Variétés, etc., p. 76.