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ACTION DÉFINIE

Bretagne, et ayant cependant conservé les mêmes caractères, les différences de conditions entre les diverses localités ne pourraient pas avoir modifié aussi fortement les différentes races indigènes de bétail, moutons, porcs et chevaux. Nous trouvons encore plus de difficulté à distinguer entre la sélection et les effets définis des conditions d’existence, lorsque nous cherchons à comparer des formes naturelles très-voisines, habitant deux pays peu dissemblables par leur climat ou la nature de leur sol, etc., comme l’Europe et l’Amérique du Nord, car, dans ce cas, la sélection naturelle doit avoir rigoureusement et inévitablement agi pendant une longue suite de siècles.


Vu la difficulté à laquelle nous venons de faire allusion, il sera utile de donner le plus de faits possibles propres à démontrer que de fort légères différences dans le traitement, soit dans les diverses parties d’un même pays, soit pendant les différentes saisons, peuvent exercer des effets appréciables, du moins sur les variétés qui sont déjà dans un état peu stable. Les fleurs d’ornement nous seront très-utiles à ce point de vue, parce qu’elles sont extrêmement variables, et ont d’ailleurs été observées et suivies avec beaucoup d’attention. Tous les horticulteurs sont unanimes à reconnaître que certaines variétés sont affectées par de très-légères différences dans la nature des composts artificiels dans lesquels on les plante, par le sol naturel de la localité, et par la saison. Ainsi un juge compétent[1], écrivant sur les Œillets, remarque que nulle part on ne rencontre « l’amiral Curzon » avec la couleur, la taille et la vigueur qu’il atteint dans le Derbyshire ; la « Flora Garland » de Slough ne trouve nulle part ailleurs son égale, et les fleurs riches de couleur réussissent mieux que partout ailleurs à Woolwich et à Birmingham. Et cependant les mêmes variétés n’atteignent jamais un égal degré de perfection dans deux de ces localités, bien qu’élevées et soignées par les plus habiles fleuristes. Le même auteur recommande à l’horticulteur d’avoir cinq natures différentes de sols et de fumier, et de chercher à les adapter aux appétits des plantes diverses qu’il cherche à améliorer, sous peine d’insuccès.

Il en est de même du Dahlia[2] ; la variété « Lady Cooper » réussit rarement près de Londres, mais prospère dans d’autres localités ; pour d’autres variétés, c’est l’inverse ; il en est enfin qui réussissent à peu près également dans des situations variées. Un horticulteur[3] habile s’était procuré des boutures de la variété ancienne et bien connue pulchella de la Verveine, laquelle, pour avoir été propagée dans une autre situation, présentait une légère différence de nuance ; les deux variétés furent ensuite multipliées par boutures et tenues distinctes ; cependant elles devinrent

  1. Gardener’s Chronicle, 1853, p. 183.
  2. M. Wildman, Floricultural Soc., 7 févr, 1843 ; Gardener’s Chronicle, 1843, p. 86.
  3. M. Robson, Journ. of Hort., 13 févr. 1866, p. 122.