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HÉRÉDITÉ.

de même. Un botaniste éminent soutient que les espèces annuelles de Delphinium se fécondent toujours par elles-mêmes ; je crois donc devoir signaler le fait que trente-deux fleurs portées sur une branche de D. consolida, enfermées dans un filet, produisirent vingt-sept capsules contenant en moyenne 17,2 de bonne graine, tandis que cinq fleurs sous le même filet, que j’avais fécondées artificiellement, comme le font les abeilles par leurs visites réitérées à chaque fleur, donnèrent cinq capsules renfermant une moyenne de 35,2 de belle graine ; ce qui montre que l’intervention des insectes est nécessaire pour augmenter la fécondité de la plante. On pourrait encore citer beaucoup de faits analogues sur les croisements d’autres fleurs, telles que les œillets, etc., dont les variétés offrent de grandes fluctuations de couleur.

Il en est des animaux domestiques comme des fleurs : il n’y a pas de caractère plus variable que celui de la couleur, surtout chez le cheval. Mais avec de l’attention dans l’élevage on arriverait très-promptement à former des races d’une couleur déterminée. Hofacker rapporte le résultat obtenu en appariant deux cent seize juments de quatre couleurs différentes avec des étalons de mêmes manteaux, sans égard à ceux de leurs ancêtres ; sur les deux cent seize poulains nés, onze seulement n’héritèrent pas du manteau de leurs parents. Autenrieth et Ammon assurent qu’après deux générations, on obtient avec certitude des poulains d’une couleur uniforme[1].


Dans quelques cas rares, certaines particularités paraissent n’être pas transmises, par le fait même d’une trop grande énergie de la force d’hérédité. Ainsi, des éleveurs de canaris m’ont assuré que, pour obtenir un bel oiseau jonquille, il ne fallait pas apparier deux canaris de cette nuance, car alors elle ressortait trop intense chez le produit, et tournait souvent au brun. De même, si on apparie deux canaris à huppe, les jeunes héritent rarement de ce caractère[2], car dans les oiseaux huppés il reste sur le derrière de la tête, au point où les plumes se retroussent pour former la huppe, un petit espace de peau nue qui, lorsque les deux parents sont ainsi caractérisés, s’étend considérablement, et la huppe elle-même ne se développe pas. M. Hewitt dit ce qui suit des Sebright Bantams galonnés[3] : « Je ne saurais dire pourquoi, mais il est certain que les oiseaux les mieux galonnés donnent souvent des produits très-imparfaitement marqués ; tandis que beaucoup de ceux que j’ai exposés et qui ont eu du succès, provenaient de l’union d’oiseaux

  1. Hofacker, Ueber die Eigenschaften, etc., p. 10.
  2. Bechstein, Naturgesch. Deutschland’s, vol. IV, p. 462. — M. Brest, grand éleveur de canaris, m’informe qu’il considère ces assertions comme exactes.
  3. The Poultry Book, par W. B. Tegetmeier, 1866, p. 245.