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CAUSES

espèces distinctes et différant du M. jalapa beaucoup plus que les autres espèces du même genre. Herbert[1] a aussi décrit les produits d’un Rhododendron hybride comme aussi dissemblables de tous les autres par leur feuillage que s’ils eussent appartenu à une espèce différente. La pratique ordinaire des horticulteurs montre que les croisements et recroisements de plantes distinctes, mais voisines, telles que les espèces de Petunias, Calcéolaires, Fuchsias, Verbenas, etc., déterminent une grande variabilité, ce qui doit rendre probable l’apparition de nouveaux caractères. M. Carrière[2] constate que l’Erythrina cristagalli a été pendant bien des années multipliée par graine sans avoir donné une seule variété ; mais que, croisée avec la E. herbacea, forme voisine, la résistance fut vaincue, et qu’une foule de variétés, fort différentes par la grosseur, la forme et la couleur de leurs fleurs, furent produites.

C’est probablement d’après la croyance générale, et, du reste, assez bien fondée, que le croisement entre espères distinctes, tout en mélangeant leurs caractères, ajoute beaucoup à leur variabilité, que quelques botanistes ont soutenu[3] que lorsqu’un genre ne renferme qu’une espèce, celle-ci ne varie jamais sous culture. Une proposition aussi absolue n’est pas admissible ; mais il est probablement vrai que la variabilité de genres monotypiques cultivés est moindre que celle des genres renfermant des espèces nombreuses, et cela indépendamment de tout effet dû au croisement. J’ai déjà signalé, dans mon Origine des espèces, que les espèces appartenant à de petits genres fournissent ordinairement, à l’état de nature, moins de variétés que celles qui appartiennent à de grands genres. D’où les espèces des petits genres devraient probablement produire sous culture moins de variétés que les espèces déjà variables des genres plus grands.

Bien que nous n’ayons pas actuellement de preuves suffisantes que le croisement des espèces qui n’ont jamais été cultivées détermine l’apparition de nouveaux caractères, cela paraît arriver à celles qui sont déjà devenues un peu variables par la culture. Donc le croisement, comme tout autre changement dans les conditions extérieures, paraît être un des éléments déterminants, et probablement un des plus puissants, de la variabilité. Mais, ainsi que nous l’avons précédemment remarqué, nous ne pouvons que rarement distinguer entre l’apparition de caractères réellement nouveaux et la réapparition de ceux dès longtemps perdus, et que le croisement semble évoquer. Voici un exemple qui montre la difficulté de distinguer entre ces deux cas. On peut diviser les Daturas en deux sections : ceux à fleurs blanches et tiges vertes, et ceux à fleurs pourpres à tiges brunes. Naudin[4] a croisé les Datura lævis et ferox, appartenant tous deux à la section blanche, et en éleva deux cent cinq hybrides, qui tous eurent les tiges brunes et les fleurs pourpres, de sorte qu’ils ressemblaient aux espèces de l’autre section de genre, et pas à leurs propres parents.

  1. Amaryllidaceæ, 1837, p. 362.
  2. Extrait dans Gard. Chronicle, 1860, p. 1081.
  3. C’était l’opinion de A. P. de Candolle, Dict. class, d’hist. nat., t. VIII, p. 405. — Puvis, de la Génération, 1837, p. 37, discute le même sujet.
  4. Comptes rendus, 21 nov. 1864, p. 338.