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DE LA VARIABILITÉ.

cependant de nouveaux caractères ont dans certains cas apparu par variation de bourgeons, nous pouvons en conclure que le croisement n’est pas nécessairement la cause de la variabilité. Il est de plus certain que les races de divers animaux, tels que le lapin, le pigeon, le canard, etc., et les variétés de plusieurs plantes, sont les descendants modifiés d’espèces sauvages uniques. Il est toutefois probable que le croisement de deux formes, surtout lorsque l’une d’elles ou toutes deux ont été longtemps domestiquées ou cultivées, ajoute à la variabilité des produits, indépendamment du mélange des caractères dérivés des deux formes parentes, ce qui implique qu’il apparaît effectivement de nouveaux caractères. Mais il ne faut pas oublier les faits signalés dans le treizième chapitre, qui prouvent nettement que le croisement amène souvent une réapparition de caractères depuis longtemps perdus ; du reste, dans la plupart des cas, il serait d’ailleurs impossible de distinguer entre un retour d’anciens caractères et la naissance de particularités nouvelles, et en fait, que les caractères soient nouveaux ou anciens, ils n’en sont pas moins nouveaux pour la race chez laquelle ils réapparaissent.


Gärtner[1] déclare, et son expérience sur ce point est d’une grande valeur, que, lorsqu’il a croisé des plantes non cultivées du pays, il n’a jamais observé aucun caractère nouveau dans les produits de croisement, mais qu’ils pouvaient quelquefois paraître comme tels par suite de la manière bizarre dont les caractères des parents se trouvaient combinés sur leurs descendants. Il admet, d’autre part, que, dans les croisements de plantes cultivées, de nouveaux caractères ont apparu occasionnellement, mais il croit devoir les attribuer à une variabilité ordinaire, et nullement au fait du croisement. La conclusion opposée me paraît cependant la plus probable. D’après Kölreuter, les hybrides du genre Mirabilis varient presque à l’infini, et il décrit des caractères nouveaux et singuliers dans la forme des graines, la couleur des anthères, la grosseur des cotylédons, l’odeur particulière, la floraison précoce et l’occlusion des fleurs pendant la nuit. Il fait, au sujet d’un lot de ces hybrides, la remarque qu’ils présentaient précisément les caractères inverses de ce qu’on aurait dû attendre d’eux d’après leurs parents[2].

Le professeur Lecoq[3] confirme ces faits, et assure que beaucoup d’hybrides des Mirabilis jalapa et multiflora pourraient être pris pour des

  1. Bastarderzeugung, p. 249, 255, 295.
  2. Nova Acta, etc., 1794, p. 378 ; 1795, p. 307, 313, 316 ; 1787, p. 407.
  3. De la Fécondation, 1862, p. 311.