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DE LA VARIABILITÉ.

soumis à de nouvelles conditions extérieures. Le Dr Bachman[1] assure avoir vu des dindons éclos d’œufs de l’espèce sauvage, perdre leurs teintes métalliques et devenir tachetés de blanc à la troisième génération. M. Yarrell m’a appris, il y a bien des années, que les canards sauvages élevés dans le parc de Saint-James, et qui n’avaient jamais été croisés avec le canard domestique, avaient, après peu de générations, perdu leur vrai plumage. Un bon observateur[2] qui a souvent élevé des canards provenant d’œufs de l’oiseau sauvage, et qui a évité tous croisements avec les races domestiques, a donné sur les changements qu’ils ont graduellement éprouvés des détails dont nous avons parlé dans le chapitre huitième (p. 296). Dans ces cas relatifs au canard et au dindon sauvages, nous voyons que, comme les plantes, les animaux ne s’écartent de leur type primitif qu’après avoir subi l’action de la domestication pendant plusieurs générations. M. Yarrell m’a appris, d’autre part, que les Dingos australiens, élevés au Jardin Zoologique de Londres, produisent invariablement, dès la première génération, des petits marqués de blanc ou d’autres couleurs ; mais il faut observer que ces Dingos ont été probablement pris chez les indigènes, qui les tenaient déjà dans un état semi-domestique. Il est certainement remarquable que les changements de conditions ne produisent, autant que nous pouvons en juger, aucun effet de prime abord, et qu’ils ne déterminent qu’ultérieurement une modification dans les caractères de l’espèce. J’essayerai, dans le chapitre sur la pangenèse, d’élucider un peu cette question.

Revenons aux causes auxquelles on attribue la variabilité. Quelques auteurs[3] admettent que cette tendance résulte de la reproduction consanguine, qui entraîne aussi à la production de monstruosités. Nous avons signalé, dans le dix-septième chapitre, quelques faits qui semblent indiquer que des monstruosités ont quelquefois paru être ainsi causées ; et il n’y a presque pas à douter que la reproduction consanguine ne détermine un affaiblissement de la constitution et une diminution de la fécondité, points qui pourraient peut-être provoquer la variabilité ;

  1. Examination of the Characteristics of Genera and Species, Charlestown, 1855, p. 14.
  2. M. Hewitt, Journ. of Hortic., 1863, p. 39.
  3. Devay, Mariages consanguins, p. 97, 125.