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DE LA VARIABILITÉ.

d’ailleurs pas qu’un changement de climat, plus ou moins favorable, soit une des causes les plus puissantes de variabilité, car en ce qui concerne les plantes, Alph. de Candolle, dans sa Géographie botanique, a montré que le pays natal d’une plante, où dans la plupart des cas elle a été le plus longtemps cultivée, est aussi celui où elle a fourni le plus grand nombre de variétés. Il est douteux que le changement de nourriture soit une cause très-puissante de variabilité. Il est peu d’animaux domestiques qui aient plus varié que les pigeons ou les volailles, bien que leur nourriture soit généralement la même. Notre gros bétail et nos moutons n’ont pas non plus, sous ce rapport, été soumis à de bien grands changements, et, dans tous ces cas, il est probable que leur nourriture a, sous la domestication, été moins variée que celle que l’espèce a dû consommer à l’état de nature[1].

De toutes les causes déterminant la variabilité, l’excès de nourriture, quelle qu’en soit la nature, a été probablement la plus puissante. Cette manière de voir, que A. Knight partageait en ce qui concerne les plantes, est actuellement celle de Schleiden, surtout au point de vue des éléments inorganiques[2]. Pour donner plus de nourriture à une plante, il suffit ordinairement de la faire croître séparément, ce qui empêche les autres plantes de lui dérober ses éléments nutritifs. J’ai été souvent étonné de la vigueur avec laquelle poussent nos plantes sauvages communes lorsqu’on les plante isolément, bien que dans un sol peu fumé. Faire croître les plantes isolées est, par le fait, le premier pas vers la culture. Le renseignement suivant, emprunté à un grand producteur de graines de toutes espèces, montre quelle est son opinion au sujet de l’action de l’excès de nourriture sur la variabilité : « Notre règle invariable est de cultiver dans un sol maigre et non fumé, lorsque nous voulons conserver intacte la souche d’une sorte de graine ; nous faisons le contraire lorsque nous voulons en obtenir des quantités, mais nous avons souvent lieu de nous en repentir[3]. »

  1. Bechstein, Naturg. der Stubenvögel, 1840, p. 238, donne quelques bonnes observations sur ce point, et constate que ses canaris variaient de couleur, quoique nourris de la même manière.
  2. La Plante, par Schleiden. — Alex. Braun, dans Bot. Mem. Roy. Society, 1853, p. 313.
  3. MM. Hardy and Son, of Maldon, Gardener’s Chronicle, 1856, p. 458.