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CAUSES

circonstances les plus diverses possible, les êtres organisés de toute espèce ont varié sous l’action de la domestication ou de la culture. C’est ce que nous voyons dans les races domestiques de mammifères et d’oiseaux appartenant à des ordres différents, dans les poissons dorés et les vers à soie, et dans les plantes nombreuses qu’on cultive dans toutes les parties du monde. Dans les déserts de l’Afrique du Nord, le palmier dattier a fourni trente-huit variétés ; dans les plaines fertiles de l’Inde il existe une foule de variétés de riz et d’autres plantes ; les habitants d’une seule île Polynésienne cultivent vingt-quatre variétés de l’arbre à pain, autant du bananier, et vingt-deux variétés d’arums ; le mûrier, tant dans l’Inde qu’en Europe, a fourni un grand nombre de variétés servant à la nourriture des vers à soie ; et enfin on cultive en Chine, pour divers usages domestiques, soixante-trois variétés de bambou[1]. Ces faits seuls, auxquels on pourrait en ajouter une foule d’autres, indiquent qu’un changement quelconque dans les conditions extérieures suffit pour déterminer la variabilité, — des modifications différentes agissant sur des organismes différents.

A. Knight[2] attribuait la variation des animaux et des plantes à une nourriture plus abondante et à un climat plus favorable que ceux naturels à l’espèce. Un climat plus doux est cependant loin d’être nécessaire, car le haricot, auquel nos gels du printemps sont fort nuisibles, et nos pêchers, qu’il faut abriter derrière des murs, ont beaucoup varié en Angleterre ; il en est de même de l’oranger dans le nord de l’Italie, où il peut tout au plus se maintenir[3]. Nous ne devons pas non plus négliger le fait, bien qu’il ne se rattache pas immédiatement à notre sujet actuel, que dans les régions arctiques les plantes et les mollusques sont extrêmement variables[4]. Il ne semble

  1. Pour le palmier dattier, Vogel, Ann. and Mag. of Nat. Hist., 1854, p. 460. — Variétés indiennes, Dr F. Hamilton, Trans. Linn. Soc., vol. XIV, p. 296. — Pour les variétés cultivées à Tahiti, voir le Dr Bennett, dans Loudon’s, Magaz. of Nat. Hist., vol. v, 1832, p. 484. — Ellis, Polynesian Researches, vol. I, p. 370, 375. — Sur vingt variétés du Pandanus et autres arbres dans les îles Marianes, Hooker’s Miscellanies, vol. I, p. 308. — Pour le Bambou en Chine, voir Huc, Chinese Empire, vol. Ii, p. 307.
  2. Treatise on the Culture, of the Apple, etc., p. 3.
  3. Gallesio, Teoria, etc., p. 125.
  4. Dr Hooker, Memoir on Arctic plants, Linn. Transactions, vol. XXIII, part II. — M. Woodward, une grande autorité dans la matière, signale, dans son Rudimentary Treatise, 1856, p. 355, les mollusques des régions arctiques comme remarquablement sujets aux variations.