Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
DE LA VARIABILITÉ.

que, selon moi, à tort, de regarder la variabilité comme étant, en définitive, une conséquence de la reproduction.

Les auteurs qui adoptent cette opinion n’accorderaient probablement pas que chaque variation séparée ait sa cause déterminante propre. Et cependant, bien que nous ne puissions que rarement établir les rapports de cause à effet, les considérations que nous allons présenter semblent nous amener à la conclusion que toute modification doit avoir sa cause distincte. Lorsque nous entendons, par exemple, parler d’un enfant né avec un doigt tordu, une dent déplacée ou toute autre légère déviation de structure, il est difficile d’arriver à se convaincre l’esprit que de pareilles anomalies soient le résultat de lois fixes, et non de ce que nous appelons des accidents. À ce point de vue, le cas suivant, que je dois à l’obligeance du Dr William Ogle, me paraît instructif. Deux filles jumelles, et très-semblables sous tous les rapports, eurent les petits doigts de chaque main tordus ; dans les deux, la seconde petite molaire de la mâchoire supérieure, et de la seconde dentition, se trouvait déplacée, car au lieu d’être sur l’alignement des autres elle sortait du palais derrière la première. Aucune particularité semblable ne se rencontrait chez les parents ni chez d’autres membres de la famille. Or, comme les deux enfants présentaient la même déviation de conformation, ce qui exclut complétement toute idée d’accident, nous sommes obligés d’admettre qu’il a dû y avoir une cause précise et suffisante pour affecter autant d’enfants qu’elle aurait pu se présenter de fois.

Examinons maintenant les arguments généraux, qui me paraissent favorables à l’opinion que les variations de toutes sortes et de tous degrés sont directement ou indirectement causées par les conditions extérieures auxquelles chaque être organisé, et surtout ses ancêtres, ont été exposés.

Personne ne met en doute le fait que les produits domestiques ne soient plus variables que les êtres organisés qui n’ont jamais été soustraits à leurs conditions naturelles. Les monstruosités passent si insensiblement à de simples variations qu’on ne peut établir de limite entre les unes et les autres, et tous ceux qui ont fait une étude spéciale des premières admettent qu’elles sont beaucoup plus communes chez les animaux