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SÉLECTION.

relles. L’homme ne choisit pas les modifications favorables à l’animal, mais celles qui lui plaisent ou qui lui sont utiles, et surtout celles qui, par leur intensité et leur brusque apparition, frappent ses regards, et sont dues à quelque perturbation importante de l’organisation. Son attention se porte exclusivement sur les organes externes, et lorsqu’il arrive à modifier des organes internes, — comme quand il réduit les os et les issues, ou charge les viscères de graisse, ou développe la précocité, etc., — il y a de grandes chances pour qu’en même temps il affaiblisse la constitution. D’autre part, quand un animal a toute sa vie à lutter contre une foule d’ennemis et de concurrents, dans des circonstances extrêmement complexes et susceptibles de changements, les modifications les plus variées, — dans les organes internes ou externes, dans les fonctions et les rapports mutuels des diverses parties de l’organisme, — seront toutes soumises à une épreuve sévère, et conservées ou rejetées. La sélection naturelle contrarie souvent les efforts faibles et capricieux tentés par l’homme pour obtenir certaines améliorations, et s’il n’en était pas ainsi, les résultats tant de ses travaux que de ceux de la nature, seraient encore plus différents. Néanmoins, il ne faut pas exagérer l’importance des différences qui existent entre les espèces naturelles et les races domestiques ; les naturalistes les plus experts ont souvent eu à discuter si ces dernières descendaient d’une ou plusieurs souches primitives, fait qui montre par lui-même qu’il n’y a aucune différence essentielle entre les espèces et les races.

Les races domestiques propagent leur type bien plus exactement, et pendant bien plus longtemps, que la plupart des naturalistes ne veulent en convenir ; les éleveurs n’ont aucun doute sur ce point. Demandez à celui qui aura longtemps élevé du bétail Courtecornes ou Hereford, des moutons Southdown ou Leicester, des volailles Espagnoles ou de Combat, des pigeons Messagers ou Culbutants, si ces races peuvent provenir d’ancêtres communs, et il se moquera probablement de vous. L’éleveur admet qu’il peut espérer obtenir des moutons à laine plus fine ou plus longue, possédant une meilleure charpente ; ou des volailles plus belles, ou des Messagers ayant le bec un peu plus long, de manière à réussir à l’exposition ; mais il ne va pas au delà. Il ne songe pas à ce qui peut résulter de l’ad-