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SÉLECTION.

tion[1]. À mesure que chaque nouvelle variété se forme, les précédentes, intermédiaires et inférieures, étant négligées, disparaissent. Lorsqu’une race ayant peu de valeur n’est représentée que par un petit nombre d’individus, son extinction en résulte inévitablement au bout d’un temps plus ou moins long, soit en suite de causes accidentelles, soit des effets de la reproduction consanguine, et sa disparition, surtout dans les cas de races bien accusées, attire l’attention. La naissance d’une race nouvelle a lieu si lentement qu’elle n’est pas remarquée ; mais sa suppression, étant relativement brusque, est souvent enregistrée, et regrettée lorsqu’il est trop tard.

Quelques auteurs ont voulu établir une distinction tranchée entre les races artificielles et les races naturelles. Ces dernières ont des caractères plus uniformes, sont d’origine ancienne et ont quelque analogie avec les espèces naturelles. On les trouve généralement dans les pays peu civilisés, où elles ont été probablement largement modifiées par sélection naturelle, et beaucoup moins par la sélection inconsciente et méthodique de l’homme. Les conditions physiques du pays qu’elles habitent ont dû aussi agir sur elles directement et pendant de longues périodes. D’autre part, les races soi-disant artificielles ne sont pas uniformes par leurs caractères : quelques-unes offrent des particularités à demi monstrueuses, comme les terriers à jambes torses[2], les bassets, les moutons ancons, le bétail niata, les races gallines huppées, les pigeons Paons, etc. ; leurs traits caractéristiques ont généralement surgi brusquement, bien qu’ultérieurement augmentés dans beaucoup de cas par une sélection soutenue. D’autres races, qu’on doit certainement qualifier d’artificielles, car elles ont été fortement modifiées par sélection méthodique et par croisement, telles que le cheval de course anglais, les chiens terriers, le coq de Combat anglais, le Messager d’Anvers, etc., n’ont cependant pas une apparence qu’on puisse qualifier de non naturelle ; et il ne me semble pas qu’on puisse tracer aucune ligne de démarcation tranchée entre les races naturelles et artificielles.

Il n’est pas surprenant que les races domestiques aient généralement un aspect différent de celui des espèces natu-

  1. Volz, Beiträge zur Kulturgeschichte, 1852, p. 99.
  2. Blaine, Encyclop. of Rural sports, p. 213.