Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
POUSSÉE À L’EXTRÊME.

du Messager, mais ce ne sera pas progresser que de le laisser comme ils l’ont trouvé. » Ferguson, en parlant des volailles, remarque que leurs particularités, quelles qu’elles puissent être, doivent nécessairement être complétement développées ; une petite particularité étant disgracieuse parce qu’elle viole les lois existantes de la symétrie. M. Brent dit encore, à propos des mérites des sous-variétés du canari Belge, « que les amateurs vont toujours aux extrêmes et ne font aucun cas de qualités qui ne sont pas définies[1]. »

Cette tendance, qui conduit nécessairement à la divergence des caractères, explique l’état actuel des diverses races domestiques, et nous fait comprendre comment les chevaux de course et de gros trait, les lévriers et les dogues, qui sont les extrêmes opposés par tous leurs caractères, — comment des variétés aussi distinctes que les poules Cochinchinoises et Bantams, les pigeons Messagers et Culbutants, ont pu être dérivées d’une même souche. Chaque race ne s’améliorant que lentement, les variétés inférieures sont négligées et ne tardent pas à disparaître. Nous pouvons, dans certains cas, à l’aide d’anciens documents écrits, ou grâce à l’existence, dans quelques pays où d’anciennes modes subsistent encore, de variétés intermédiaires, retracer partiellement les changements graduels par lesquels certaines races ont passé. C’est donc la sélection méthodique ou inconsciente, tendant toujours vers un but extrême, jointe à l’abandon et à l’extinction lente des formes intermédiaires et moins estimées, qui explique le mystère, et comment l’homme a pu produire des résultats aussi étonnants.

Il est quelques cas où la sélection, dirigée dans un sens déterminé par l’utilité, a conduit vers une convergence des caractères. Toutes les races de porcs améliorés, ainsi que l’a montré Nathusius[2], se rapprochent les unes des autres par quelques points ; par les jambes courtes, ainsi que le museau, par leurs gros corps arrondis, presque dénudés de poils, et leurs petits crocs. Nous observons aussi une certaine convergence dans les contours du corps de bêtes bovines améliorées appar-

  1. J.-M. Eaton, A Treatise on Fancy Pigeons, p. 82. — Ferguson, Rare and Prize Poultry, p. 162. — Brent, Cottage Gardener, Oct. 1860, p. 13.
  2. Die Racen des Schweines, 1860, p. 48.