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SÉLECTION

gence dont on aura fait preuve à leur égard[1]. Si on permettait à un nombre important de bêtes à cornes, de moutons ou autres animaux d’une même race, de s’entre-croiser librement sans sélection et sans changements dans les conditions extérieures, il n’est pas douteux qu’au bout d’une centaine de générations, ils ne fussent bien loin de la perfection du type ; mais d’après ce que nous pouvons voir dans les races ordinaires des chiens, du bétail, des pigeons, etc., qui ont longtemps conservé à peu près les mêmes caractères, sans avoir été l’objet de soins particuliers, nous n’avons pas de raisons pour supposer qu’ils dussent s’écarter complétement de leur type.

Les éleveurs croient généralement que les caractères de tous genres se fixent par une hérédité longtemps prolongée. J’ai cherché, dans le quatorzième chapitre, à montrer que cette opinion peut se formuler de la manière suivante : que tout caractère ancien, aussi bien que récent, tend à être transmis, mais que ceux qui ont déjà depuis longtemps résisté aux influences contraires, continueront généralement à leur résister encore et, par conséquent, à être exactement transmis.

Tendance qu’a l’homme à pousser la sélection à l’extrême. — Dans l’application de la sélection il faut noter comme un point important que l’homme cherche toujours à en pousser les effets à l’extrême. Ainsi, pour les qualités utiles, son désir d’obtenir des chevaux et des chiens aussi rapides, d’autres aussi forts que possible, n’a pas de limite ; il demandera à certains moutons une laine d’une finesse extrême, à d’autres une laine très-longue, et il cherchera à produire des fruits, des graines, tubercules et autres parties utiles des plantes, aussi gros et succulents que possible. Cette tendance est même encore plus prononcée chez les éleveurs d’animaux d’ornement ; car la mode, comme nous le voyons pour les vêtements, va toujours aux extrêmes. Nous avons cité plusieurs cas à propos des pigeons, en voici encore un emprunté à M. Eaton, qui dit à propos d’une nouvelle variété nommée l’Archange : « Je ne sais ce que les éleveurs comptent faire de cet oiseau, et s’ils veulent le ramener, pour la tête et le bec, au type du Culbutant ou à celui

  1. The Veterinary, vol. XIII, p. 720. — Youatt, On Cattle, p. 51.