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SÉLECTION.

toutes les pépinières considérables ; mais comme ils n’ont pas la valeur des arbres fruitiers, et qu’ils ne fournissent de la graine que fort tard, on ne leur a appliqué aucune sélection ; aussi, comme le remarque M. Patrick Matthews[1], n’ont-ils pas fourni de races distinctes, se feuillant à des époques différentes, atteignant à des hauteurs diverses, ou produisant des bois propres à des usages variés. Nous n’avons acquis que quelques variétés bizarres et à demi monstrueuses, qui ont sans doute surgi brusquement, telles que nous les voyons actuellement.

Quelques botanistes ont prétendu que les plantes ne peuvent avoir une tendance aussi prononcée à varier qu’on le suppose généralement, parce que bien des espèces croissant depuis longtemps dans des jardins botaniques, ou cultivées sans intention d’année en année, au milieu de nos récoltes de céréales, n’ont pas produit de races distinctes ; mais ce fait s’explique tout naturellement parce que leurs légères variations n’ont pas été conservées par sélection et propagées. Si on cultivait sur une grande échelle une plante de nos jardins botaniques ou la première mauvaise herbe venue, et si un jardinier perspicace, choisissant toute variété légère et en semant la graine, ne réussissait pas ainsi à produire des races distinctes, l’argumentation pourrait avoir quelque valeur.

La considération des caractères spéciaux démontre également l’importance de la sélection. Ainsi, dans la plupart des races gallines, la forme de la crête et la couleur du plumage ont été l’objet de l’attention des éleveurs et sont essentiellement caractéristiques de chaque race : mais chez les Dorkings, chez lesquels la mode n’a jamais réclamé l’uniformité de la crête ni de la coloration, la plus grande diversité règne dans cette race sous ces deux rapports. On peut observer chez les Dorkings purs et de parenté rapprochée, des crêtes en rose, des crêtes doubles, ou en forme de coupe, etc., et toutes les colorations possibles, tandis que les autres points dont on s’est occupé et auxquels on tient, tels que la forme générale du corps et la présence d’un doigt additionnel, ne font jamais défaut. On s’est du reste assuré qu’on peut aussi bien dans cette race que dans toute autre, fixer une coloration déterminée[2].

  1. On Naval Timber, 1831, p. 107.
  2. M. Baily, Poultry Chronicle, vol. II, 1854, p. 150. — Vol. I, p. 342. — Vol. III, p. 245.