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SÉLECTION.

tiennent à des gens pauvres et forment pour la plupart de petits troupeaux, qu’ils ne pourront jamais être améliorés[1]. On demandait à lord Rivers comment il avait fait pour avoir toujours des lévriers de premier ordre ; il répondit : « J’en produis beaucoup et j’en pends beaucoup. » C’était là le secret de sa réussite, et c’est aussi ce qui arrive aux éleveurs de volaille : les exposants qui remportent les succès élèvent beaucoup et gardent les meilleurs[2].

Il résulte de là que l’aptitude à reproduire de bonne heure, et à des intervalles rapprochés, comme cela est le cas pour les pigeons, les lapins, etc., facilite la sélection et, en permettant à l’éleveur d’obtenir de prompts résultats, l’encourage à persévérer. Ce n’est pas accidentellement que la grande majorité des plantes culinaires et agricoles qui ont fourni des races nombreuses sont annuelles ou bisannuelles, par conséquent susceptibles d’une propagation et par suite d’une amélioration rapides. Le chou-marin, l’asperge, l’artichaut, le topinambour, les pommes de terre et les oignons sont seuls vivaces. Les oignons se propagent comme des plantes annuelles, et de toutes les plantes précitées, la pomme de terre exceptée, aucune n’a fourni plus de une ou deux variétés. Les arbres fruitiers, qui ne se propagent pas rapidement par graines, ont bien donné une foule de variétés, quoique pas de races permanentes ; mais si nous en jugeons par les restes préhistoriques, ils ont été produits à une époque plus récente et plus civilisée que les races de plantes culinaires et agricoles.

Une espèce peut être très-variable sans donner naissance à des races distinctes, si pour une cause quelconque la sélection n’intervient pas. La carpe est dans ce cas, mais comme il serait très-difficile de pouvoir appliquer la sélection à de légères variations chez des poissons vivant à l’état de nature, aucune race distincte n’a pu être formée[3], tandis que le poisson doré, qui est une espèce voisine, qu’on peut garder dans des bocaux, et dont les Chinois se sont beaucoup occupés, a donné naissance à des races nombreuses. Ni l’abeille, qui est semi-domestique depuis une époque fort ancienne, ni la coche-

  1. A Review of Reports, 1808, p. 406.
  2. Gard. Chronicle, 1853, p. 45.
  3. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Hist. nat. gén., t. III, p. 49. — Pour la cochenille, p 16.