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CIRCONSTANCES FAVORABLES.

par les effets de l’usage ou de l’habitude. Jamais nos porcs améliorés n’auraient pu se former, s’ils eussent eu à chercher eux-mêmes leur nourriture ; pas plus qu’on n’eût pu améliorer au point où ils sont actuellement arrivés, nos lévriers de chasse et nos chevaux de course, sans un dressage et un entraînement constants.

Les déviations très-marquées de conformation ne se présentant que rarement, l’amélioration de chaque race n’est généralement que le résultat de la sélection de légères différences individuelles, qui exigent une attention extrême, beaucoup de perspicacité, et une persévérance à toute épreuve. Il est donc important de pouvoir élever à la fois un certain nombre d’individus de la race à améliorer, car on aura ainsi plus de chance de voir surgir des variations dans le sens voulu, et en même temps plus de latitude pour rejeter ou éliminer les individus qui varieraient dans un sens contraire. Mais pour pouvoir obtenir un grand nombre d’individus, il faut nécessairement que les conditions extérieures favorisent la multiplication de l’espèce ; il est probable que si, par exemple, le paon avait pu se reproduire aussi bien que l’espèce galline, nous en posséderions depuis longtemps plusieurs races distinctes. L’importance du grand nombre, quant aux plantes, ressort du fait que les horticulteurs de profession l’emportent toujours dans les expositions sur les amateurs, en ce qui concerne la création de nouvelles variétés. On estimait en 1845 qu’on levait annuellement de graines en Angleterre de 4,000 à 5,000 Pelargoniums, et que cependant une variété décidément améliorée était rarement obtenue[1]. Chez les MM. Carter, dans l’Essex, qui cultivent pour graine les Lobelias, Nemophilas, Résédas, etc., par acres entiers, il ne se passe pas de saison qu’ils n’obtiennent quelques nouvelles sortes, ou quelques améliorations d’anciennes variétés[2]. À Kew, d’après M. Beaton, où on lève beaucoup de semis de plantes communes, on voit apparaître de nouvelles formes de Laburnums, Spirées et autres arbrisseaux[3]. Pour les animaux, Marshall fait remarquer à propos des moutons d’une partie du Yorkshire, qui appar-

  1. Gardener’s Chronicle, 1845, 273.
  2. Journal of Horticulture, 1862, p. 157.
  3. Cottage Gardener, 1860, p. 368.