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CIRCONSTANCES FAVORABLES.

que, dans les variétés redressées, les barbes divergentes sont utiles aux épis, en atténuant les chocs mutuels auxquels ils sont exposés lorsqu’ils sont agités par le vent[1]. Si on fait croître ensemble plusieurs variétés d’une plante, et qu’on en récolte indistinctement les produits, il est évident que les formes plus robustes et plus productives prévaudront graduellement sur les autres, par une sorte de sélection naturelle ; c’est ce qui, d’après le col. Le Couteur[2], a lieu dans nos champs de froment, où, comme nous l’avons déjà montré, il n’y a aucune variété qui soit complétement uniforme par ses caractères. Plusieurs horticulteurs m’ont assuré que le même fait se passerait dans nos jardins, si on ne séparait pas les graines des diverses variétés. Lorsqu’on fait couver ensemble les œufs de canards sauvages et domestiques, les canetons sauvages périssent presque toujours parce qu’ils sont plus petits, et n’obtiennent pas leur part légitime de nourriture[3].

Nous avons donné assez de faits pour montrer que la sélection naturelle contrarie souvent, mais favorise quelquefois la sélection exercée par l’homme. Ils nous apprennent en outre que nous devons être très-circonspects dans le jugement que nous portons sur l’importance que peuvent avoir dans l’état de nature certains caractères, tant chez les animaux que chez les plantes, qui, dès le moment de leur naissance jusqu’à celui de leur mort, ont à lutter pour leur existence, laquelle dépend de conditions que nous ignorons complétement.

Circonstances favorables à la sélection par l’homme. — C’est la variabilité qui rend la sélection possible, mais la variabilité elle-même, comme nous le verrons dans la suite, paraît dépendre beaucoup de changements dans les conditions extérieures, et est gouvernée par des lois très-complexes et en grande partie inconnues. Même une domestication très-prolongée peut occasionnellement ne causer qu’une variabilité peu considérable, ainsi que nous l’avons vu pour l’oie et le dindon. Il est toutefois probable que, dans presque tous les cas, sinon tous, les faibles différences qui existent dans chaque individu, animal ou plante, suffiraient, moyennant une sélection suivie

  1. Gard. Chronicle, 1862, p. 820, 821.
  2. On the Varieties of Wheat, p. 59.
  3. Hewitt, Journ. of Horticulture, 1862, p. 773.