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HÉRÉDITÉ.

d’avance si elle sera héréditaire. Lorsque l’un et l’autre parent ont, dès leur naissance, une même particularité, il y a grande probabilité qu’elle sera transmise, à une partie au moins de leurs descendants. Nous avons vu, dans le cas de la panachure des feuilles de certaines plantes, que ce caractère se transmettait plus faiblement, par la graine d’une branche devenue panachée par variation de bourgeons, que par celle recueillie sur des plantes panachées, elles-mêmes levées de graine. Dans la plupart des plantes, la puissance de transmission dépend évidemment de quelque capacité innée de l’individu : ainsi, Vilmorin[1], ayant levé un certain nombre de plantes de la graine d’une balsamine d’une couleur particulière, qui toutes ressemblèrent à la plante mère, quelques-unes d’entre elles ne transmirent pas le caractère nouveau, tandis que les autres reproduisirent, pendant plusieurs générations successives, des descendants qui leur ressemblaient complètement. Dans une variété de rose, Vilmorin a trouvé que sur six plantes, deux seulement avaient pu transmettre à leurs produits les caractères désirés.


Le facies particulier des arbres pleureurs ou à branches pendantes, est dans certains cas fortement héréditaire, et dans d’autres très-peu, sans qu’on puisse en donner la raison. J’ai choisi ce caractère comme un exemple d’hérédité capricieuse, parce qu’il n’est pas inhérent à l’espèce primitive, et parce que les deux sexes se trouvant réunis sur le même arbre, tendent tous deux à le transmettre chacun de leur côté. En supposant même qu’il ait pu, dans quelques cas, y avoir croisement avec des arbres voisins de la même espèce, il ne serait pas probable que tous les produits levés de graine, eussent été ainsi affectés. Il existe à Moccas-Court, un chêne pleureur célèbre, dont beaucoup de branches, sans être plus épaisses qu’une corde de grosseur ordinaire, atteignent jusqu’à 30 pieds de longueur ; cet arbre transmet son caractère pleureur, à un plus ou moins haut degré, à toutes les plantes levées de sa graine, et dont les unes sont d’emblée assez flexibles, pour qu’il faille les soutenir par des tuteurs, tandis que d’autres ne deviennent pendantes qu’à l’âge de vingt ans[2]. M. Rivers a fécondé les fleurs d’une nouvelle variété pleureuse belge de l’aubépine (Cratægus oxyacantha) par du pollen d’une variété écarlate non pleureuse de la même espèce ; et trois arbres ont manifesté, à l’âge de six à sept ans, une tendance marquée à acquérir le facies pleureur de la plante mère, quoiqu’à un degré moins prononcé. D’après M. Mac Nab[3], des plantes levées de la graine

  1. Verlot. Production des Variétés, 1862, p. 32.
  2. Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. XII, 1836, p. 368.
  3. Verlot, La Production des Variétés, 1865, p. 41.