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NATURELLE.

cette sorte de sélection, que nous avons vue occasionnellement et inconsciemment exercée par l’homme, même dès les temps les plus reculés.

Étudions maintenant l’action de la sélection naturelle sur les caractères spéciaux. Bien qu’il soit difficile de résister à la nature, l’homme cependant lutte contre sa puissance, et quelquefois, comme nous le verrons, avec succès. Les faits que nous aurons à donner nous montreront aussi que la sélection naturelle agirait puissamment sur plusieurs de nos produits domestiques, s’ils n’étaient protégés contre ses effets. Ce point a de l’intérêt, car nous apprenons ainsi que des différences, très-légères en apparence, pourraient certainement déterminer la survivance d’une forme, dans le cas où elle serait obligée de lutter par elle-même pour son existence. Quelques naturalistes ont pu penser, comme cela m’est arrivé à moi-même autrefois, que, bien que la sélection, agissant dans des conditions naturelles, puisse déterminer la conformation des organes essentiels, elle ne doit cependant pas affecter les caractères que nous regardons comme de peu d’importance ; c’est cependant une erreur à laquelle nous expose l’ignorance où nous sommes des caractères qui peuvent avoir une valeur réelle pour un être organisé.

Lorsque l’homme cherche à faire reproduire un animal ayant quelque sérieux défaut dans sa conformation, ou dans les rapports mutuels de certaines parties, il pourra ne réussir que partiellement, ou pas du tout, ou rencontrer beaucoup de difficultés. Nous avons déjà parlé d’un essai fait dans le Yorkshire, pour produire du bétail à croupe très-développée, et auquel on dut renoncer parce que trop de vaches périssaient pendant le vêlage.

M. Eaton[1] dit, à propos de l’élève des Culbutants courtefaces, qu’il est convaincu que bien plus de jeunes ayant une tête et un bec comme on cherche à les obtenir ont dû périr dans l’œuf, qu’il n’en est éclos ; par la raison qu’un oiseau à face extrêmement courte ne pouvant, avec son bec, atteindre et briser sa coquille, doit nécessairement périr. Voici un cas plus curieux, dans lequel la sélection naturelle n’intervient qu’à de

  1. Treatise on the Almond Tumbler, 1851, p. 33.