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SÉLECTION.

maux les plus utiles aura définitivement eu pour résultat la formation de deux races très-distinctes.

Dès les premiers pas de la civilisation, la meilleure variété connue à chaque période a dû être plus généralement cultivée, et sa graine a pu être occasionnellement semée, il a dû en résulter une sorte de sélection dès une époque très-reculée, mais sans type de perfection préconçu ni aucune pensée d’avenir. Nous profitons aujourd’hui d’une sélection qui a été poursuivie d’une manière inconsciente pendant des milliers d’années. C’est ce que prouvent les recherches de Oswald Heer, sur les habitations lacustres de la Suisse, montrant que les graines de nos variétés actuelles de froment, d’orge, d’avoine, de pois, fèves, lentilles et de pavots, dépassent en grosseur celles qui étaient cultivées en Suisse pendant les périodes néolithique et du bronze. Les peuples anciens de la période néolithique, possédaient un pommier sauvage beaucoup plus grand que celui qui croit actuellement dans le Jura[1]. Les poires décrites par Pline étaient évidemment fort inférieures en qualité à celles que nous cultivons à présent. Nous pouvons actuellement réaliser les effets d’une sélection et d’une culture prolongées d’une autre manière, car, aujourd’hui, personne ne chercherait à obtenir une pomme de premier ordre de la graine d’un vrai pommier sauvage, ou une poire succulente et fondante d’un poirier de même origine. Alph. de Candolle m’informe qu’il a eu occasion de voir à Rome sur une ancienne mosaïque une représentation du melon, et comme les Romains, gourmands comme ils l’étaient, ne mentionnent pas ce fruit, il en conclut que le melon a dû être grandement amélioré depuis l’époque classique.

Plus récemment, Buffon[2] comparant les fleurs, fruits et légumes cultivés de son temps avec de fort bons dessins faits cent cinquante ans auparavant, fut frappé des améliorations énormes réalisées depuis, et remarque que ces anciennes fleurs et légumes seraient non-seulement dédaignés par un horticulteur, mais même par un jardinier de village. Depuis Buffon, l’amélioration a continué rapidement, et tous les fleuristes qui

  1. Dr Christ, dans Rütimeyer’s, Pfahlbauten, 1861, p. 226.
  2. Passage cité dans Bull. Soc. d’accl., 1858, p. 11.