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INCONSCIENTE.

ment poursuivie en vue d’augmenter leur vitesse, et nos chevaux actuels battraient facilement leurs ancêtres. L’augmentation de taille, et l’apparence différente du cheval de course anglais sont telles, qu’il serait impossible de concevoir actuellement qu’il descende d’une combinaison du cheval arabe et de la jument africaine[1]. Ce changement est, selon toute probabilité, le résultat d’une sélection inconsciente, et des efforts faits dans chaque génération pour produire des animaux aussi fins et aussi beaux que possible, sans qu’on eût dès l’origine aucune intention préconçue de leur donner l’apparence qu’ils ont aujourd’hui. D’après Youatt[2], l’importation au temps de Cromwell de trois étalons célèbres venant d’Orient modifia promptement la race anglaise, car lord Harleigh, de la vieille école, se plaignait que le grand cheval disparaissait rapidement. Il y a là une bonne preuve d’une application rigoureuse de la sélection, car, sans cela, les traces d’une si petite infusion de sang oriental n’eussent pas tardé à disparaître et à être absorbées, bien que le climat de l’Angleterre n’ait jamais été considéré comme particulièrement favorable au cheval, une sélection longtemps soutenue, tant méthodique qu’inconsciente, succédant à celle pratiquée par les Arabes dès une époque fort ancienne, n’en a pas moins fini par nous donner une des meilleures races du monde. Macaulay[3] fait à ce sujet la remarque suivante : « Deux hommes réputés de grandes autorités dans la matière, le duc de Newcastle et sir J. Fenwick, avaient prononcé que la moindre rosse, venant de Tanger, donnerait une meilleure descendance que celle qu’on pourrait espérer du meilleur étalon indigène. Ils n’auraient pas cru, à ce moment, qu’il viendrait un temps où les princes et les nobles des pays voisins seraient aussi désireux d’avoir des chevaux anglais, que les Anglais d’alors l’étaient d’obtenir des chevaux barbes. »

Le cheval de gros trait de Londres, si différent par son apparence de toute espèce naturelle, et dont l’énorme taille a tellement étonné bien des princes orientaux, doit probablement son origine à une sélection, poursuivie pendant un grand nombre de générations, des animaux les plus lourds et les plus puis-

  1. Indian Sporting Review, vol. II, p. 181. — The Stud Farm, par Cecil, p. 98.
  2. The Horse, p. 22.
  3. History of England, vol. I, p. 316.