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CHEZ LES PEUPLES À DEMI CIVILISÉS.

femelles ne soient pas couvertes par des mâles de qualité inférieure. Les Indiens ont dit à sir Robert qu’ils ne tuaient pas les chiens mauvais ou inutiles, mais qu’ils périssaient abandonnés à eux-mêmes. Il y a peu de peuplades plus barbares que les naturels de la Terre de Feu, et cependant je tiens d’un missionnaire, M. Bridges, que lorsqu’ils ont une chienne de belle taille et forte, ils l’apparient avec un beau chien, et prennent soin de la nourrir convenablement, pour que ses petits viennent beaux et vigoureux.

Dans l’intérieur de l’Afrique, les nègres qui n’ont pas vécu avec les blancs sont très-désireux d’améliorer les animaux, et choisissent toujours les mâles les plus grands et les plus forts : les Malakolos furent enchantés de la promesse que leur fit Livingstone de leur envoyer un taureau, et quelques Balakolos ont porté dans l’intérieur un coq vivant depuis Loando[1]. Plus au midi, Andersson a vu un Damara donner deux bœufs contre un chien qui lui avait plu. Les Damaras aiment à avoir leurs troupeaux de bétail d’une même couleur, et ils estiment leurs bœufs en proportion de la longueur de leurs cornes. Les Namaquas ont une vraie manie pour les attelages uniformes, et presque toutes les peuplades de l’Afrique méridionale estiment leur bétail à l’égal des femmes, et mettent leur amour-propre à posséder des animaux ayant de la race. Ils n’emploient jamais ou fort rarement un bel animal comme bête de somme[2]. Ces sauvages possèdent un discernement étonnant, et peuvent reconnaître à quelle tribu appartient quelque bétail que ce soit. M. Andersson m’informe, en outre, que les indigènes apparient souvent des taureaux et des vaches choisis.

Le cas le plus curieux qui ait été consigné, d’une sélection appliquée par un peuple à demi civilisé, est celui donné par Garcilazo de la Vega, un descendant des Incas, comme ayant été en usage au Pérou avant que le pays eût été conquis par les Espagnols[3]. Les Incas faisaient chaque année de grandes chasses, dans lesquelles les animaux sauvages étaient rabattus sur un immense espace vers un point central. On

  1. Livingstone, First travels, p, 191, 439, 565. — Exped. to the Zambesi, 1865, p. 195, pour un cas analogue relatif à une race de chèvres.
  2. Andersson’s, Travels in South Africa, p. 232, 318, 319.
  3. Dr Vavasseur, Bull. Soc. d’acclimat., t. VIII, 1861, p. 136.