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SÉLECTION.

Dans l’ancien monde, au Sahara, le Touareg met autant de soins à la sélection des Maharis (race fine du dromadaire) qu’il destine à la reproduction, que l’Arabe en met à celle de ses chevaux. Les généalogies se transmettent, et plus d’un Mahari peut se vanter d’une généalogie bien plus reculée que les descendants du Darley Arabian[1]. D’après Dallas, les Mongols cherchent à propager les Yaks à queue blanche, pour vendre celle-ci aux mandarins chinois comme chasse-mouches ; et soixante-dix ans après Pallas, Moorcroft constate qu’on choisissait encore pour la reproduction les individus à queue blanche[2].

En parlant du chien, nous avons vu que les sauvages de la Guiane et de diverses parties de l’Amérique du Nord croisaient leurs chiens avec des canidés sauvages, comme le faisaient, selon Pline, les anciens Gaulois, pour leur donner plus de puissance et de vigueur ; de même que les gardiens de grandes garennes croisent quelquefois leurs furets (à ce que m’apprend M. Yarrell) avec la fouine sauvage pour leur donner, comme ils disent, « plus de diable. » D’après Varron, on s’emparait autrefois d’ânes sauvages pour les croiser avec l’âne domestique afin d’améliorer la race, comme les Javanais chassent encore aujourd’hui leur bétail dans les forêts pour qu’il se croise avec le Benteng (Bos Sondaicus) sauvage[3]. Chez les Ostyaks, dans la Sibérie du Nord, les marques des chiens varient dans différents districts, mais dans chacun ils sont tachetés d’une manière uniforme de blanc et de noir[4], d’où nous devons conclure à une reproduction surveillée, d’autant plus que dans une certaine localité ils sont réputés dans tout le pays pour leur supériorité. Certaines tribus d’Esquimaux tiennent à honneur d’avoir pour leurs attelages de traîneaux des chiens d’une couleur uniforme. En Guiane, d’après sir R. Schomburgk[5], les chiens des Indiens Turumas sont fort estimés et sont l’objet d’un grand trafic ; on donne d’un bon chien le prix d’une femme, on les garde dans des espèces de cages, et pendant l’époque du rut, les Indiens font très-attention à ce que les

  1. The Great Sahara, par Rev. H. B. Tristam, 1860, p. 238.
  2. Pallas, Acta Acad. Saint-Petersbourg, 1777, p. 249. — Moorcroft et Trebeck, Travels in the Himalayan Provinces, 1841.
  3. Raffles, Indian Field, 1859, p. 196. — Pour Varron, voir Pallas, O. C.
  4. Erman, Travels in Siberia (trad. angl.), vol, I, p. 453.
  5. Voir Journ. of R. Geograph. Soc., vol. XIII, part. I, p. 65.