Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
CHEZ LES PEUPLES À DEMI CIVILISÉS.

riales, car on dit que le Ya-mi ou riz impérial ayant été remarqué dans un champ par l’empereur Khang-hi, fut recueilli et semé dans son jardin, et s’est depuis répandu, à cause de sa précieuse propriété d’être le seul riz qui puisse croître au nord de la grande muraille[1]. Parmi les fleurs, le pivoine arbre (P. moutan) a, d’après les traditions chinoises, été cultivé depuis 1400 ans ; et a donné de deux à trois cents variétés, qu’on cultive avec autant de soins que les Hollandais le faisaient autrefois pour les tulipes[2].

Passons maintenant aux peuples à demi civilisés et aux sauvages. D’après ce que j’avais vu dans diverses parties de l’Amérique du Sud, où il n’existe pas d’enclos, et où les animaux ont peu de valeur, il m’avait semblé qu’on ne prenait aucun soin pour leur sélection ou leur reproduction, et le fait est assez généralement vrai. Roulin[3] décrit toutefois, en Colombie, une race de bétail nue, qu’on ne laisse pas augmenter à cause de la délicatesse de sa constitution. D’après Azara[4], il naît souvent au Paraguay des chevaux à poils frisés, que les habitants détruisent, parce qu’ils ne les aiment pas ; tandis que, d’autre part, ils ont conservé un taureau sans cornes né en 1770 et qui a propagé son type. On m’a parlé de l’existence d’une race à poils renversés dans la Banda orientale, et le bétail niata si extraordinaire a apparu en premier à La Plata, où il est resté distinct. Il y a donc dans ces pays, si peu favorables à une sélection soignée, des variations apparentes qui se sont conservées pendant que d’autres ont été détruites. Nous avons aussi vu que les habitants introduisent dans leurs troupeaux du bétail étranger pour éviter les inconvénients d’une reproduction consanguine. Je tiens d’autre part de bonne source que, dans les Pampas, les Gauchos ne prennent aucun soin pour choisir les meilleurs étalons ou taureaux pour la reproduction, ce qui explique probablement l’uniformité remarquable que présentent les chevaux et le bétail dans toute l’étendue de la république Argentine.

  1. Recherches sur l’agriculture des Chinois, par L. D’Hervey Saint-Denys, 1850, p. 229. — Pour Khang-hi, voir Huc, Chinese Empire, p. 311.
  2. Anderson, Linn. Transact., vol. XII, p. 253.
  3. Savants étrangers, t. VI, 1835, p. 333.
  4. Des Quadrupèdes du Paraguay, 1801, t. II, p. 333, 371.