Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
HYBRIDITÉ.

les deux espèces parentes, de même celle des plantes illégitimes est quelquefois très-grande, bien que l’union dont elles proviennent n’ait pas présenté une infécondité bien prononcée. Les hybrides provenant d’une même capsule de graines peuvent varier par leur stérilité, cela est encore très-manifeste chez les plantes illégitimes. Enfin, un grand nombre d’hybrides fleurissent avec persistance et profusion, tandis que d’autres plus stériles ne donnent que peu de fleurs et restent nains et faibles ; on observe les mêmes cas chez les produits illégitimes de diverses plantes dimorphes et trimorphes.

Il y a donc, au total, une identité remarquable dans les caractères et la manière dont se comportent les hybrides et les plantes illégitimes. On peut sans exagération soutenir que ces dernières sont des hybrides, produits dans une même espèce, par l’union impropre de certaines formes, tandis que les hybrides ordinaires sont le produit de l’union impropre de deux espèces distinctes. Nous avons déjà vu qu’il y a, sous tous les rapports, la plus grande similitude entre les premières unions illégitimes et les premiers croisements entre espèces distinctes. Un exemple fera mieux comprendre le fait : supposons qu’un botaniste ayant rencontré deux variétés bien distinctes (et il en existe), de la forme à long style du Lythrum salicaria trimorphe, voulût s’assurer par un croisement de leur spécificité. Il trouverait alors qu’elles ne donnent que le cinquième de la quantité normale de graine, et se comportent, sous tous les rapports indiqués précédemment, comme deux espèces distinctes. Mais, pour assurer la question, il élèverait de sa graine supposée hybride, des plantes qui viendraient chétives, naines et stériles, et à tous points de vue analogues à des hybrides ordinaires. Il pourrait ensuite soutenir qu’il aurait démontré, d’après l’opinion reçue, que ses deux variétés devaient être des espèces aussi bonnes et distinctes que lesquelles que ce soit au monde ; et il serait complétement dans l’erreur.

Les faits que nous venons de donner au sujet des plantes dimorphes et trimorphes sont importants, parce qu’ils nous montrent, premièrement, que le fait physiologique de la diminution dans la fécondité, tant dans les premiers croisements que dans les hybrides, n’est pas un critère sûr de la distinction spécifique ; secondement, qu’il doit y avoir une loi incon-