Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
HYBRIDITÉ.

premier croisement entre deux espèces, n’est pas toujours égal à celui de leurs produits hybrides ; on connaît beaucoup de cas d’espèces qui se croisent aisément, mais donnent des hybrides entièrement stériles, et, inversement, d’espèces qui ne se croisant qu’avec une grande difficulté, produisent néanmoins des hybrides très-féconds. Suivant l’idée que les espèces ont été douées d’une stérilité réciproque, spécialement destinée à les maintenir distinctes, ce fait est inexplicable.

Quatrièmement. Le degré de stérilité diffère souvent beaucoup chez deux espèces réciproquement croisées ; la première pouvant facilement féconder la seconde, tandis que celle-ci restera incapable, malgré des essais répétés, de féconder la première. Des hybrides provenant de croisements réciproques entre deux mêmes espèces peuvent quelquefois aussi différer beaucoup par leur fertilité ; faits également incompréhensibles, dans l’opinion que la stérilité a pour but spécial d’empêcher les mélanges.

Cinquièmement. Le degré de stérilité que présentent les premiers croisements, ainsi que celui des hybrides qui en résultent, est jusqu’à un certain point lié à l’affinité générale ou systématique des formes qu’on cherche à unir ; car les espèces appartenant à des genres différents ne peuvent que rarement se croiser, et jamais celles de familles différentes. Cependant cette relation n’existe pas toujours ; car une foule d’espèces très-voisines ne peuvent s’apparier, ou ne le font qu’avec difficulté, tandis que d’autres, bien plus différentes entre elles, peuvent être très-facilement croisées. La difficulté ne résulte pas de différences constitutionnelles, car on peut souvent croiser très-aisément entre elles des plantes annuelles et vivaces, des arbres à feuilles caduques et toujours verts, ou des plantes fleurissant en différentes saisons, et vivant naturellement sous les climats les plus opposés. La facilité ou la difficulté du croisement paraît exclusivement dépendre de la constitution sexuelle des espèces à unir, ou de leur affinité sexuelle élective, soit Wahlverwandtschaft de Gärtner. Comme les espèces ne que sont rarement ou jamais modifiées sur un seul de leurs caractères, sans que plusieurs autres le soient en même temps ; et comme l’affinité systématique comprend toutes ressemblances et dissemblances visibles, toute différence existant