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RÉSUMÉ

le premier fait allusion à cette loi à propos des plantes[1] ; et peu après, Kölreuter, l’observateur sagace, après avoir montré comme les Malvacées sont bien adaptées pour le croisement, demande : « An id aliquid in recessu habeat, quod hujuscemodi flores nunquam proprio suo pulvere, sed semper eo aliarum suæ speciei impregnentur, merito quæritur ? Certe natura nil facit frustra. » Bien que nous puissions contester l’assertion de Kölreuter, que la nature ne fait rien en vain, lorsque nous voyons tant d’êtres organisés conserver des organes rudimentaires et inutiles, cependant l’argument des innombrables combinaisons qui tendent à favoriser le croisement d’individus distincts d’une même espèce est incontestablement d’un grand poids. La conséquence la plus importante de cette loi est l’uniformité des caractères qu’elle tend à donner aux individus d’une même espèce. Dans le cas de certains hermaphrodites, qui ne s’entre-croisent probablement qu’à de longs intervalles, et chez les animaux unisexués qui, habitant des localités séparées, ne peuvent qu’occasionnellement se rencontrer et s’apparier, la plus grande vigueur et fécondité des produits croisés prévaudra définitivement dans l’uniformisation des caractères des individus de la même espèce. Mais lorsque nous dépassons les limites d’une même espèce, le libre entrecroisement est arrêté par la stérilité.

En cherchant des faits propres à élucider la cause des bons effets qui résultent des croisements, ainsi que des inconvénients qu’entraîne la consanguinité, nous avons vu que, d’une part, l’opinion que de légers changements dans les conditions extérieures sont favorables aux animaux et aux plantes est assez répandue et fort ancienne ; et il semblerait que, d’une manière analogue, le germe soit plus efficacement stimulé par l’élément mâle, lorsque ce dernier provient d’un individu distinct, et est par conséquent légèrement modifié dans sa nature, que lorsqu’il provient d’un mâle ayant une constitution identique. Nous avons, d’autre part, vu par des faits nombreux que

  1. Trans. Phil. Society, 1799, p. 202. — Kölreuter, Mém. Acad. de Saint-Pétersbourg t. III, 1809 (publié en 1811), p. 197. — En lisant l’ouvrage remarquable de C. K. Sprengel, Das entdeckte Geheimniss, etc., 1793, il est curieux d’observer combien souvent cet observateur si remarquablement sagace a méconnu le sens de la conformation des fleurs qu’il a si bien décrites, faute de n’avoir pas constamment présente à l’esprit la clef du problème, à savoir, les bons effets qui résultent du croisement de plantes individuelles distinctes.