Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
FLEURS DOUBLES.

par du pollen d’une fleur pélorique portée sur une autre variété, mais je dois ajouter qu’elle ne présenta rien de particulier dans sa conformation. Nous ne pouvons donc arriver à aucune règle générale ; mais toute déviation considérable de la conformation normale entraîne certainement une impuissance sexuelle, même lorsque les organes reproducteurs ne sont pas eux-mêmes sérieusement affectés.

Fleurs doubles. — Lorsque les étamines se transforment en pétales, la plante devient stérile du côté mâle ; lorsque la transformation porte sur les étamines et le pistil, la plante est complétement stérile. Les fleurs symétriques dont les étamines et les pétales sont nombreux, sont les plus sujettes à devenir doubles, ce qui résulte probablement de la tendance à la variabilité que présentent tous les organes multiples. Les fleurs qui n’ont que peu d’étamines, ou celles qui sont asymétriques par leur conformation, peuvent quelquefois devenir doubles, comme nous le voyons dans les Ulex, Petunias et Antirrhinums. Les Composées portent ce que nous appelons des fleurs doubles par suite du développement anormal de la corolle des fleurons centraux. Cette particularité, qui paraît quelquefois liée à la croissance continue[1] de l’axe de la fleur, est fortement héréditaire. On n’a jamais, comme le fait remarquer Lindley[2], obtenu de fleurs doubles en favorisant la parfaite santé d’une plante, et leur production paraît au contraire due à l’influence de conditions extérieures artificielles. On a quelques raisons pour croire que des graines conservées pendant fort longtemps, ou qui ont dû n’être qu’imparfaitement fertilisées, donnent plus sûrement des fleurs doubles que celles qui sont fraîches et complétement fécondées[3] ; mais la cause excitante la plus ordinaire paraît être la culture longtemps continuée dans un sol riche. Un Narcisse et un Anthemis nobilis doubles sont devenus simples après transplantation dans un sol maigre[4] ; j’ai vu également une primevère blanche double devenir simple, et cela d’une manière permanente, après avoir été divisée et transplantée pendant qu’elle était en pleine floraison.

Le professeur Morren a observé que les fleurs doubles et la panachure des feuilles sont deux états antagonistes, mais on a récemment consigné tant d’exceptions à cette règle[5], que, bien qu’elle soit assez générale, on ne peut pas la considérer comme invariable. La panachure paraît résulter ordinairement d’un état affaibli ou atrophié de la plante, et une forte proportion des plantes levées de graines, provenant de parents tous deux panachés, périssent habituellement jeunes ; d’où nous pourrions peut-être inférer que les fleurs doubles, qui constituent l’état antagoniste, proviennent ordinairement de pléthore. Un sol très-pauvre paraît quelquefois,

  1. Garderner’s Chronicle, 1866, p. 681.
  2. Theory of Horticulture, p. 333.
  3. M. Fairweather, Trans. Hort. Soc., vol. III, p. 406. — Bosse, cité par Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 77. — Sur les effets de l’enlèvement des anthères, Leitner, dans Silliman’s North Amer. Journ. of Science, vol. XXIII, p. 47. — Verlot, O. C., p. 81.
  4. Lindley, O. C., p. 333.
  5. Gardener’s Chronicle, 1865, p. 626 ; 1866, p. 290, 730, et Velot, O. C., p. 75.