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DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS

celui d’une espèce distincte. Nous devons finalement conclure, si limitée que soit cette conclusion, que les changements dans les conditions extérieures exercent une action nuisible spéciale sur le système reproducteur. Le cas est dans son ensemble assez particulier, car les organes, quoique n’étant pas malades, deviennent incapables de remplir leurs fonctions propres, ou ne les remplissent que d’une manière imparfaite.


Stérilité causée chez les animaux domestiques par les changements dans les conditions extérieures. — La domestication des animaux dépendant surtout de l’aptitude qu’ils ont de pouvoir reproduire en captivité, nous ne devons pas nous attendre à trouver leur système reproducteur sensiblement affecté par des changements peu considérables. Ce sont les ordres de mammifères et d’oiseaux dont les espèces reproduisent le mieux dans les ménageries, qui nous ont fourni le plus grand nombre de productions domestiques. Dans toutes les parties du globe, les sauvages aiment à apprivoiser les animaux[1] ; de sorte que ceux qui, dans l’état de captivité, peuvent produire régulièrement des jeunes, tout en étant utiles, sont par le fait domestiqués. Si ensuite, accompagnant leurs maîtres dans d’autres contrées, il se trouvent aptes à résister à des climats divers, ils n’en deviennent que plus utiles, et il paraît en effet que les animaux qui reproduisent en captivité s’accoutument généralement bien à des climats différents ; il faut cependant excepter le chameau et le renne. La plupart de nos animaux domestiques peuvent supporter, sans amoindrissement de fertilité, les conditions les moins naturelles ; ainsi les lapins, le cochon d’Inde et les furets peuvent reproduire dans les clapiers les plus bornés. Peu de chiens européens résistent au climat de l’Inde, qui détermine chez eux une dégénérescence, mais ils conservent leur fécondité, d’après le Dr Falconer. Il en est de même, selon le Dr Daniell, des chiens anglais importés à Sierra-Leone. L’espèce galline, originaire des fourrés brûlants de l’Inde, est, dans toutes les parties du globe, plus fertile que sa souche parente, jusqu’aux limites du Groenland et de la Sibérie septentrionale, où elle cesse de reproduire. Des volailles et des pigeons qui m’avaient été envoyés directement de Sierra-Leone furent tous disposés à s’apparier[2]. J’ai aussi vu des pigeons importés, depuis un an, du Nil supérieur, reproduisant aussi bien que les pigeons ordinaires. La pintade, originaire des déserts chauds et arides de l’Afrique, pond une très-grande quantité d’œufs sous notre climat humide et froid.

  1. Livingstone (Voyages, etc., p. 317) raconte que le roi des Barotse, tribu de l’intérieur, qui n’avait jamais eu de communication avec les blancs, aimait beaucoup à apprivoiser les animaux, et qu’on lui apportait toutes les jeunes antilopes. M. Galton m’apprend qu’il en est de même des Damaras ; la même coutume règne chez les Indiens de l’Amérique du Sud. Le cap. Wilkes dit que les Polynésiens des îles Samoan apprivoisent les pigeons, et les nouveaux Zélandais conservent plusieurs espèces d’oiseaux.
  2. Pour des cas analogues, Réaumur, Art de faire éclore, etc., 1749, p. 243. — Col. Sykes, Proc. Zoolog. Soc., 1832, etc. — Pour la volaille ne reproduisant pas dans les régions septentrionales, voir Latham, Hist. of Birds, vol. VIII, 1823. p. 169.