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DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS

de différents sols et de diverses parties de l’Angleterre. Il ajoute que pour les plantes qu’on propage de boutures, comme les Pelargoniums, et surtout les Dahlias, il y a grand avantage à se procurer des plantes de la même variété, mais qui aient été cultivées ailleurs ; ou, si la place dont on dispose le permet, à prendre ses boutures dans une espèce de sol pour les planter dans un autre, afin de leur fournir le changement qui est si nécessaire à leur prospérité, changement auquel le cultivateur est toujours forcé d’avoir recours, qu’il y soit préparé ou non. Un autre jardinier, M. Fish, a fait des observations semblables, et a remarqué que des boutures d’une même variété de Calcéolaire qu’il tenait d’un voisin, se montrèrent beaucoup plus vigoureuses que les siennes, quoique traitées de la même manière ; fait qu’il attribue à ce que ses plantes s’étaient en quelque sorte usées et fatiguées de leur gîte. Quelque chose d’analogue paraît se présenter dans les greffes d’arbres fruitiers ; car, selon M. Abbey, les greffes prennent généralement mieux et plus facilement sur une variété ou même une espèce distincte ou sur une souche antérieurement greffée, que sur des souches levées de graine de la variété qu’on veut enter, ce qui ne peut s’expliquer entièrement par la meilleure adaptation des souches au sol et au climat de l’endroit. Il faut toutefois ajouter que, bien que les greffes faites sur des variétés très-différentes paraissent d’abord prendre et croître plus vigoureusement que celles greffées sur des sujets plus voisins, elles deviennent souvent maladives par la suite.

J’ai étudié les expériences soignées et laborieuses de. M. Tessier[1], faites en vue de réfuter l’opinion commune, qu’un changement de graines soit avantageux, et il prouve certainement qu’on peut, avec des soins, cultiver une même graine dans la même ferme (il n’indique pas si c’est sur le même sol), pendant dix ans consécutifs sans perte. Un autre observateur, le col. Le Couteur[2], est arrivé à la même conclusion, mais il ajoute expressément que, « si l’on emploie la même graine, celle qui a crû sur un terrain à fumure mixte devient propre à un terrain chaulé, celle-ci donne de la graine pour un terrain amendé avec des cendres, puis pour une fumure mixte, et ainsi de suite. » Mais ceci n’est autre chose qu’un échange systématique de graines, faites dans les limites de la même ferme.


En somme, l’opinion partagée par un grand nombre d’agriculteurs habiles, que l’échange des graines a de bons résultats, paraît être assez bien fondée. Vu la petitesse de la plupart des graines, on ne peut guère croire que les avantages du changement de sol puissent résulter de ce qu’elles trouvent dans l’un un élément chimique qui manque dans un autre. Comme, une fois germées, les graines se fixent naturellement à

  1. Mém. de l’Acad. des Sciences, 1790. p. 209.
  2. On Varieties of Wheat, p. 52.