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DANS LES CONDITIONS EXTÉRIEURES.

démontré qu’on retire de grands avantages à échanger les graines, tubercules, bulbes et boutures, et à les transporter d’un emplacement ou d’un sol à d’autres aussi différents que possible.


L’opinion que le changement de lieu est favorable aux plantes, fondée ou non, a été soutenue depuis Columelle, qui écrivait peu après l’ère chrétienne, jusqu’à nos jours[1]. Bradley, observateur sagace, écrivait, en 1724[2] : « Lorsque nous possédons une fois une bonne sorte de graines, nous devrions la remettre entre deux ou trois mains, où les situations et les sols soient aussi différents que possible ; et chaque année les échanger de nouveau ; de cette manière la qualité de la graine pourra se maintenir plusieurs années. Bien des fermiers ont, faute de ce soin, manqué leurs récoltes et fait de grandes pertes. » Un auteur moderne[3] dit que rien n’est mieux constaté en agriculture que le fait que la croissance continue d’une variété dans le même district la rend susceptible de détérioration, en qualité comme en quantité ! Un autre rapporte qu’ayant semé ensemble, et dans le même champ, deux sortes de froment, dont les graines étaient le produit d’une même souche primitive, mais dont l’une avait été recueillie dans le même pays, l’autre dans une localité éloignée, il y eut, en faveur de la récolte provenant de cette dernière graine, une différence considérable. Une personne de Surrey qui a longtemps produit du froment pour graine, et a toujours obtenu sur les marchés des prix plus élevés que d’autres, m’a assuré qu’il avait reconnu la nécessité de changer continuellement ses graines, et que, dans ce but, il avait dû établir deux fermes très-différentes par la situation et la nature de leur sol.

Partout l’usage d’échanger les tubercules de pommes de terre est répandu. Les grands cultivateurs de cette plante dans le Lancashire, se procuraient autrefois des tubercules en Écosse, mais ils ont reconnu depuis que l’échange avec les pays tourbeux et vice versa suffisait généralement. En France, la récolte de pommes de terre des Vosges s’était, dans l’espace d’une soixantaine d’années, réduite dans le rapport de 120–150 boisseaux à 30–40 ; et le fameux Oberlin attribue les bons résultats qu’il avait obtenus, en grande partie au fait qu’il avait changé les plantes[4].

Un agriculteur pratique[5], M. Robson, assure positivement avoir été témoin des avantages incontestables qu’il y a à faire venir des bulbes d’oignons, des pommes de terre, et diverses graines de la même variété,

  1. Pour l’Allemagne, Metzger, Getreidearten, 1843, p. 63. — Pour la France, Loiseleur Deslongchamps, Consid. sur les Céréales, 1843, p. 200, donne de nombreuses références sur ce point. — Pour le midi de la France, Godron, Florula Juvenalis, 1854, p. 28.
  2. General Treatise of Husbandry, vol. III. p. 58.
  3. Gardener’s Chronicle et Agricult. Gazette, 1858, p. 247, et 1850, p. 702. — Rev. D. Walker, Prize Essay of Highland Agric. Soc., vol. II, p. 200. — Marshall, Minutes of Agriculture, Nov. 1775.
  4. Oberlin’s Memoirs (trad. angl.), p. 73. — Marshall, Review of Reports, 1808. p. 295.
  5. Cottage Gardener, 1856, p. 186. — Journal of Horticulture, Fév. 18, 1866, p. 21. — Pour les remarques sur les greffes de M. Abbey, voir id., Juillet 18, 1865, p. 44.