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AVANTAGES DU CROISEMENT.

qu’en croisant de temps en temps les membres de ces diverses familles, on peut atténuer considérablement ou même éviter les inconvénients de ce mode de reproduction. On peut perdre quelque peu de la vigueur constitutionnelle, de la taille et de la fécondité, mais il n’en résulte pas de détérioration nécessaire dans la forme générale du corps ou dans les autres qualités. Nous savons qu’on a créé, par croisements consanguins longtemps continués, des porcs de premier ordre, quoique devenus peu féconds lorsqu’on les appariait avec des animaux étant avec eux en relations de consanguinité très-rapprochées. Cette perte de la fécondité, lorsqu’elle a lieu, n’est jamais absolue, mais ne se manifeste que pour les animaux du même sang ; elle est donc, jusqu’à un certain point, analogue à celle que nous observons chez les plantes impuissantes à se féconder par elles-mêmes, mais qui sont complètement fertiles par le pollen de toute autre plante de la même espèce. L’infécondité de cette nature toute particulière, étant un des résultats d’une longue série d’unions consanguines, montre que ce mode de reproduction n’agit pas seulement en combinant et en augmentant les diverses tendances morbides qui peuvent être communes aux deux parents ; car les animaux présentant de pareilles tendances peuvent généralement, s’ils ne sont pas eux-mêmes effectivement malades, propager leur espèce. Bien que les descendants provenant de l’union de parents très-rapprochés par le sang ne soient pas nécessairement détériorés dans leur conformation, quelques auteurs croient cependant qu’ils sont très-sujets aux déformations[1] ; ce qui n’a rien d’improbable, puisque tout ce qui amoindrit la puissance vitale, agit de cette manière. On a signalé des exemples de ce genre chez les porcs, les chiens limiers, et quelques autres animaux.

Finalement, prenant en considération les divers faits qui montrent que le croisement a des effets manifestement avantageux, et que la reproduction consanguine exagérée paraît, au contraire, avoir des effets nuisibles, et voyant que, dans le

  1. C’est la conclusion du prof. Devay, du Danger des mariages consanguins, 1862, p. 97. — Virchow, Deutsche Jahrbücher, 1863, p. 354, cite quelques faits relatifs à une forme particulière de cécité, et dont la moitié des cas observés s’étaient déclarés dans les enfants de proches parents.