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AVANTAGES DU CROISEMENT.

maintinrent[1]. J’ai signalé ici ces derniers cas, qui, comme ceux donnés précédemment sur les Passiflores, Orchidées, etc., etc. concernent des espèces non croisées, parce que les plantes dont il est question appartiennent au même groupe des Amaryllidacées.

Si, dans ses expériences sur les Hippeastrums hybrides, Herbert avait trouvé que le pollen de deux ou trois variétés eût seul été plus actif sur certaines plantes que leur pollen propre, on aurait pu arguer que, par suite de leur origine mixte, elles pouvaient avoir plus que les autres des affinités mutuelles plus fortes ; mais cette explication est inadmissible, puisque les essais ont été tentés réciproquement en avant et en arrière sur neuf hybrides différents, et que les croisements ont toujours produit de bons effets dans toutes les directions. J’ajoute un cas analogue et frappant d’essais faits par le Rév. A. Rawson, de Bromley Common, sur des hybrides compliqués de Gladiolus. Cet habile horticulteur possédait un grand nombre de variétés françaises, ne différant entre elles que par la couleur et la grosseur des fleurs, et toutes descendant du Gandavensis[2], un ancien hybride bien connu, et qu’on dit être provenu du G. Natalensis par le pollen du G. oppositiflorus. Après des essais répétés, M. Rawson a constaté qu’aucune des variétés ne donnait de graine par son propre pollen, même pris sur des plantes distinctes de la même variété, qui avait été propagée par bulbes ; tandis qu’elles donnèrent toutes de la graine après avoir été fécondées par le pollen d’une autre variété. Par exemple, Ophir infécond par son propre pollen, produisit dix belles capsules, fécondé par les pollens de Janire, Brenchleyensis, Vulcain et Linné ; le pollen d’Ophir était bon, puisque Linné, fécondé par lui, produisit sept capsules ; cette dernière variété fut également stérile par son propre pollen qui était efficace sur Ophir. En 1861, M. Rawson féconda en tout vingt-six fleurs de quatre variétés, par du pollen pris sur d’autres, et chaque fleur donna une capsule de graine ; tandis que cinquante-deux fleurs des mêmes plantes, fécondées en même temps par leur propre pollen, demeurèrent stériles. M. Rawson, dans quelques cas, féconda les fleurs alternes, dans d’autres, toutes celles d’un même côté de l’épi par le pollen étranger, les fleurs restantes étant fécondées par elles-mêmes ; j’ai vu ces plantes lorsque les capsules étaient presque mûres, et leur disposition curieuse démontrait de la manière la plus péremptoire combien le croisement de ces hybrides leur avait été avantageux.

J’ai appris du Dr E. Bornet, d’Antibes, qui a fait beaucoup de croisements d’espèces de Cistus, mais dont les observations sont encore inédites, que quand ces hybrides sont fertiles, on peut dire que, quant aux fonctions, ils sont dioïques ; car les fleurs sont toujours stériles lorsque le pistil est fécondé par du pollen de la même fleur, ou de fleurs de la même plante. Mais ils sont souvent féconds, si on emploie le pollen d’un individu

  1. Jour. Hort. Soc., vol. v, p. 135. — Les plantes levées de cette graine furent données à la Société d’Horticulture, mais périrent l’hiver suivant.
  2. M. D. Beaton, Jour. Hort. Soc., 1861, p. 453. — Lecoq, de la Fécondation, 1862, p. 369, dit que cet hybride descend des G. psittacinus et cardinalis ; ce qui est contraire à l’expérience de Herbert, qui a trouvé que la première de ces espèces ne pouvait être croisée.