Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
HÉRÉDITÉ.

cidés pendant trois ou quatre générations successives. On connaît beaucoup de cas d’hérédité d’épilepsie, de phthisie, d’asthme, de calculs de la vessie, de cancer, d’hémorrhagie, de défaut de lactation et d’accouchements difficiles. Je dois, quant à ce dernier point, mentionner un cas bizarre signalé par un bon observateur[1], et dans lequel l’obstacle à la parturition normale venait du nouveau-né et non de la mère ; dans une partie du Yorkshire les éleveurs ayant eu l’habitude de toujours choisir, pour la reproduction, les animaux ayant le train de derrière le plus développé, finirent par obtenir une lignée remarquable sous ce rapport, au point que le développement énorme de la croupe du veau devenait fatal à la mère, en rendant l’accouchement très-laborieux, et que chaque année, un grand nombre de vaches succombaient pendant le vêlage.


Au lieu de donner de longs détails sur les diverses difformités ou maladies héréditaires, je me bornerai à exposer celles qui frappent un des organes les plus compliqués et les plus délicats, mais en même temps un des mieux connus, de tout le corps humain, c’est-à-dire l’œil et ses parties accessoires. Pour commencer par ces dernières, j’ai entendu parler d’une famille dont les parents et les enfants avaient des paupières pendantes, au point que pour voir, ils étaient obligés de renverser la tête en arrière ; Sir A. Carlisle[2] a constaté l’hérédité d’un repli pendant de la paupière. D’après Sir H. Holland[3], dans une famille dont le père avait un prolongement singulier de la paupière, sept ou huit enfants présentèrent la même difformité, et deux ou trois autres ne l’eurent pas. Beaucoup de personnes, à ce que j’apprends de M. Paget, ont deux ou trois des poils des sourcils beaucoup plus longs que les autres ; et même une particularité d’aussi peu d’importance peut se maintenir dans les familles.

Quant à l’œil en lui-même, je dois à l’obligeance d’une de nos plus hautes autorités d’Angleterre, M. Bowman, les remarques qui suivent sur l’hérédité de quelques imperfections de cet organe. Premièrement, l’hypermétropie, ou la vue anormalement longue, est due à ce que l’œil, au lieu d’être sphérique, est trop aplati d’avant en arrière, et souvent dans son ensemble trop petit, de sorte que la rétine se trouvant trop en avant du foyer des humeurs de l’œil, il faut, pour obtenir la vision distincte des objets rapprochés, et même souvent de ceux qui sont éloignés, placer au devant de l’œil un verre convexe. Cet état s’observe congénitalement de très-bonne heure, et souvent sur plusieurs enfants d’une même famille, lorsqu’il existe chez un des parents[4]. Deuxièmement, dans la myopie ou

  1. Marshall, cité par Youatt dans son ouvrage On Cattle, p. 284.
  2. Philosoph. Transact., 1814, p. 94.
  3. O. C., p. 33.
  4. Cette affection a été fort bien décrite et regardée comme héréditaire par le Dr  Don-