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AVANTAGES DU CROISEMENT.

aptes à se féconder réciproquement, car c’est là la marche naturelle. M. Scott a aussi constaté l’efficacité du pollen d’une plante d’O. microchilum, au moyen duquel il féconda deux autres espèces distinctes ; les ovules étaient également sains, puisqu’ils furent fécondés avec succès par le pollen d’une espèce différente et par celui d’une plante distincte d’O. microchilum ; mais il ne put féconder la fleur par le pollen de la même plante, bien qu’il eût constaté la pénétration des tubes polliniques dans le stigmate. Un cas analogues été signalé par M. Rivière[1], à propos de deux plantes d’O. Cavendishianum, qui toutes deux, stériles par elles-mêmes, se fécondèrent réciproquement. M. Scott a observé, dans un autre genre, le Maxillaria atro-rubens, lequel, incapable d’être fécondé par son propre pollen, fécondait et était réciproquement fécondé par une espèce très-distincte, le M. squalens.

Toutes ces Orchidées ayant crû dans des conditions artificielles et dans des serres, je conclus sans hésitation que leur stérilité était due à cette cause. Mais j’apprends par M. Fritz Müller, qu’à Desterro, au Brésil, où la plante est indigène, il avait fécondé plus de cent fleurs de l’Oncidium flexuosum, tant par son propre pollen que par celui de plantes distinctes ; et que toutes celles de la première catégorie restèrent stériles, tandis que les fleurs fécondées par le pollen d’une autre plante de la même espèce furent fertiles. Dans les trois premiers jours, l’action des deux sortes de pollen était la même ; placé sur le stigmate, le pollen se séparait en grains à la manière ordinaire, émettait ses tubes polliniques qui pénétraient dans la colonne, et la chambre stigmatique se fermait ; mais seules les fleurs qui avaient reçu le pollen d’une plante distincte produisirent des capsules de graines. Ces expériences furent, dans une occasion subséquente, refaites sur une plus grande échelle et donnèrent les mêmes résultats. F. Müller trouva que quatre autres espères indigènes d’Oncidium se montrèrent stériles fécondées par leur propre pollen, mais fertiles par celui d’autres plantes : quelques-unes produisirent également des capsules de graines, ayant été fécondées par du pollen de genres très-différents, tels que les Leptotes, Cyrtopodium et Rodriguezia. Il y a cependant une espèce, l’Oncidium crispum, qui diffère des précédentes parce qu’elle présente des différences dans le degré de sa stérilité lorsqu’elle est fécondée par elle-même, produisant quelquefois de belles capsules, d’autres fois pas. Dans deux ou trois cas, Fritz Müller a observé que les capsules produites par l’action du pollen pris sur une autre fleur de la même plante, étaient plus grandes que celles produites par le pollen de la même fleur. Dans l’Epidendrum cinnabarinum, qui appartient à une autre division de la famille, quelques fleurs ont produit de belles capsules après fécondation par leur propre pollen, mais elles ne contenaient en poids que la moitié de la graine renfermée dans les capsules provenant de fleurs fécondées par du pollen pris sur une plante distincte, et, dans un cas, sur une espèce différente ; en outre, une forte proportion, et quelquefois la totalité de la graine produite par le propre pollen de la fleur se trouvait sans embryon et inutile. Quelques

  1. Lecoq, de la Fécondation, 2e édit., 1862, p. 76.