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AVANTAGES DU CROISEMENT.

diverses variétés de pommiers, beaucoup plus de vitalité et d’exubérance ; et M. Chevreul[1] parle de la vigueur extrême de quelques arbres fruitiers croisés, produits par Sageret.

Knight[2] signale un cas frappant des effets stimulants qui résultent du croisement des races, que lui a présenté un croisement opéré entre la plus petite variété de pois et la plus haute ; la plus basse, dont la hauteur n’excédait jamais deux pieds, atteignit jusqu’à six pieds, tandis que la taille de la grande variété ne fut réduite que de fort peu. M. Laxton m’a communiqué des pois provenant des croisements de quatre sortes distinctes, qui me donnèrent des plantes d’une vigueur extraordinaire, et toutes dépassant de deux à trois pieds les formes parentes qui croissaient à côté d’elles.

Wiegmann[3], ayant fait plusieurs croisements entre diverses variétés de choux, obtint des métis qui, par leur élévation et leur vigueur, provoquèrent l’étonnement de tous les jardiniers qui les virent. M. Chaundy a produit un grand nombre de métis en plantant ensemble six variétés de choux distinctes. Ces métis présentèrent une grande diversité de caractères, mais aussi cette particularité très-remarquable qu’ils résistèrent au froid d’un hiver rigoureux qui fit périr tous les autres choux et brocolis du même jardin.

M. Maund a montré à la Société Royale d’Agriculture[4] des échantillons de froments croisés, à côté des variétés dont ils provenaient, et qui étaient intermédiaires par leurs caractères, « mais présentant cette vigueur qui paraît être, tant dans le règne végétal qu’animal, le résultat d’un premier croisement ; » Knight croisa aussi plusieurs variétés de froment[5], et dit qu’en 1795 et 1796, années où la récolte de blé fut niellée dans tout le pays, ces variétés échappèrent seules, bien que plantées dans plusieurs situations et sols différents.

M. Clotzsch[6] a croisé les Pinus sylvestris et nigricans, les Quercus robur et pedunculata ; Alnus glutinosa et incana ; Ulmus campestris et effusa, et sema ensemble et à la même place des graines croisées et des graines des arbres purs. Au bout de huit ans, les hybrides étaient déjà d’un tiers plus élevés que les autres.

Les cas que nous venons de donner se rapportent tous à des variétés incontestables, (les arbres croisés par Clotzsch exceptés), que plusieurs botanistes regardent comme des races bien marquées, des sous-espèces ou espèces. Il est reconnu que de véritables hybrides, issus d’espèces distinctes, bien que perdant en fécondité, gagnent souvent en taille et en vigueur. Il serait inutile de citer des faits, car tous les observateurs, Kölreuter, Gärtner, Herbert, Sageret, Lecoq et Naudin, ont été frappés de la vigueur, ténacité,

  1. Ann. des Sc. nat., 3e série, Bot., t. VI, p. 189.
  2. Philos. Transact., 1799, p. 200.
  3. Ueber die Bastarderzeugung, 1828, p. 32, 33. — Loudon’s, Gard. Magaz., vol. VII, 1831, p. 696, pour le cas de M. Chaundy.
  4. Gardener’s Chronicle, 1846, p. 601.
  5. Philosoph. Transact., 1799. p. 201.
  6. Cité dans Bull. Soc. Bot. France, vol. II, 1855, p. 327.