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INCONVÉNIENTS DE LA REPRODUCTION, ETC.

priori aucune improbabilité à ce que la reine puisse recevoir un mâle étranger. Le fait que d’ailleurs l’accouplement de ces insectes a toujours lieu en plein air, semble assurer la possibilité d’un croisement étranger et garantir ainsi la souche contre les inconvénients d’une reproduction consanguine trop prolongée. Quoi qu’il en soit, l’expérience a prouvé que depuis l’introduction de la race Ligurienne à raies jaunes en Allemagne et en France, les abeilles se croisent librement. M. Woodbury, qui a introduit les abeilles Liguriennes dans le Devonshire, a observé que, dans une seule saison, trois ruchers situés de un à deux milles du sien avaient été croisés par ses bourdons, et dans un des cas il faut que ceux-ci aient passé par-dessus la ville d’Exeter et un grand nombre de ruches intermédiaires. Dans une autre circonstance, plusieurs reines ordinaires ont été croisées par les bourdons Liguriens à une distance de trois milles et demi[1].

PLANTES.

Aussitôt qu’une plante d’une espèce nouvelle est introduite dans un pays et qu’elle se propage par graine, il s’en lève bientôt un grand nombre d’individus, et la présence des insectes ne tarde pas à occasionner des croisements entre eux. Les arbres de nouvelle importation, ou les plantes qui ne se propagent pas par graine, ne sont pas ici en cause. Pour les plantes anciennement connues, on fait constamment des échanges de graines, grâce auxquels des individus qui ont été exposés à des conditions extérieures diverses, — ce qui, comme nous l’avons vu, atténue les inconvénients des croisements consanguins, — seront de temps en temps introduits dans d’autres localités.

On n’a pas entrepris d’expériences pour juger des effets de la fécondation des fleurs par leur propre pollen, continuée pendant plusieurs générations. Nous verrons bientôt que certaines plantes, soit normalement, soit anormalement, sont, même dès la première génération, plus ou moins stériles lorsqu’elles sont fécondées par leur propre pollen. Bien qu’on ne sache rien directement des effets nuisibles de la reproduction consanguine chez les plantes, le fait inverse que les croisements leur sont très-avantageux, est bien démontré.

Pour ce qui concerne le croisement d’individus appartenant à une même sous-variété, Gärtner[2], dont l’expérience et l’exactitude sont incontestables, a constaté que cette opération a eu fréquemment de très-bons résultats, surtout chez quelques genres exotiques, dont la fertilité était à quelque degré amoindrie, comme les Passiflores, les Lobélias et les Fuchsias. Herbert[3] dit également : « Je crois avoir tiré quelque avantage du fait que j’ai fécondé la fleur dont je voulais avoir la graine par du pollen pris sur un autre individu de la même variété, ou au moins sur une autre fleur. » Le professeur Lecoq dit s’être assuré que les produits dérivés

  1. Journ. of Horticulture, 1861, p. 39. 77, 158, et 1864, p. 206.
  2. Beiträge zur Kenntniss der Befruchtung, 1844, p. 366.
  3. Amaryllidaceæ, p. 371.