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AVANTAGES DU CROISEMENT.

qu’en règle générale, le croisement dans les races gallines augmente la taille. Les hybrides entre l’espèce galline et le faisan sont beaucoup plus grands que l’un ou l’autre des ascendants ; ceux du faisan doré et de la poule faisane commune sont dans le même cas[1]. Je reviendrai sur la question de l’augmentation de la taille chez les hybrides.

Comme nous l’avons déjà dit, les éleveurs sont aussi d’accord que, pour les Pigeons, il est absolument indispensable, malgré la dépense que cela occasionne, de croiser leurs oiseaux les plus estimés, avec des individus d’un autre lignage, mais appartenant, bien entendu, à la même variété. Il faut remarquer que, lorsqu’une grande taille est un des points qu’on cherche à obtenir, comme pour les Grosses-gorges[2], les effets nuisibles des croisements consanguins rapprochés se manifestent beaucoup plus promptement que pour les oiseaux plus petits, comme les Culbutants courtes-faces. Les races de haute fantaisie, comme ces Culbutants et les Messagers, sont d’une délicatesse extrême. Elles sont sujettes à beaucoup de maladies, et périssent fréquemment dans l’œuf ou à la première mue, et il faut le plus souvent faire couver leurs œufs par d’autres oiseaux. Bien que ces races, hautement prisées, aient nécessairement été soumises à une reproduction consanguine, je ne sais si ce fait peut expliquer entièrement leur grande délicatesse de constitution. Je tiens de M. Yarrell que Sir J. Sebright avait poussé la génération en dedans, chez les pigeons Hiboux, jusqu’à ce que la famille menaçât de s’éteindre entièrement par suite de sa grande stérilité. M. Brent[3] essaya de créer une race de Tambours en croisant un pigeon commun et recroisant ses fille, petite-fille, arrière-petite-fille, et encore une fille de cette dernière, avec le même pigeon Tambour ; il obtint ainsi un oiseau contenant 15/16 de sang de Tambour ; mais là l’expérience finit, car la reproduction s’arrêta. Neumeister[4] assure que les produits des pigeons de colombier avec ceux d’autres races sont robustes et féconds, et MM. Boitard et Corbié[5], après quarante-cinq ans d’expérience, recommandent aux amateurs de croiser leurs races, parce que, s’ils n’obtiennent pas ainsi des oiseaux intéressants, ils y gagneront au point de vue économique, les métis étant toujours plus féconds que les individus des races pures.

Disons quelques mots de l’abeille, qu’un entomologiste distingué invoque comme un exemple de consanguinité inévitable. La ruche ne contenant qu’une seule femelle, on pourrait croire que ses descendants mâles et femelles doivent toujours se reproduire entre eux, d’autant plus que les abeilles de différentes ruches étant hostiles les unes aux autres, aucune ouvrière étrangère ne peut entrer dans une ruche qui n’est pas la sienne sans être attaquée. Mais M. Tegetmeier[6] a montré qu’il n’en est pas de même pour les mâles, qui peuvent entrer dans toute ruche, de sorte qu’il n’y a à

  1. Poultry Book, 1866, p. 107. — Poultry Chronicle, v. III, 1855, p. 15.
  2. J. M. Eaton, Treatise on Fancy Pigeons, p. 56.
  3. The Pigeon Book, p. 46.
  4. Das Ganze, etc., 1837, p. 18.
  5. Les Pigeons, 1822, p. 35.
  6. Proc. Entom. Soc., 6 août 1860, p. 126.