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DE LA REPRODUCTION CONSANGUINE.

mation de la queue. On m’a communiqué un autre cas relatif au limier, dans lequel il fallait soutenir la femelle pendant l’accouplement. Si on considère combien l’accroissement naturel du chien est rapide, on ne comprendrait pas les prix si élevés auxquels peuvent atteindre les races les plus améliorées, qui supposent précisément une longue série d’unions consanguines, si cette pratique ne diminuait pas leur fertilité, tout en augmentant les chances de maladie. M. Scrope, une autorité dans la matière, attribue la rareté et l’amoindrissement de taille du chien courant écossais, en grande partie aux unions consanguines, le petit nombre des individus qui existent encore dans le pays, étant tous parents à un degré très-rapproché.

Il est toujours plus ou moins difficile d’amener les animaux très-améliorés à reproduire rapidement, et tous sont de constitution très-délicate ; je ne prétends cependant pas que tous ces effets doivent être entièrement attribués aux unions consanguines. Un grand connaisseur en lapins[1], dit qu’on force trop dans leur jeune âge les femelles à longues oreilles pour qu’elles puissent avoir grande valeur pour la reproduction ; et en effet elles se montrent souvent mauvaises mères ou stériles. Il en est de même des mâles qui sont souvent inféconds. Les lapins appartenant à ces races perfectionnées, abandonnent souvent leurs petits, de sorte qu’il faut avoir des nourrices d’une autre race, pour pouvoir élever ces derniers.

C’est sur le porc que les éleveurs sont le plus unanimement d’accord, pour reconnaître les effets fâcheux des unions consanguines trop prolongées. M. Druce, l’éleveur connu des Oxfordshires améliorés (race croisée), dit que chez ces animaux on ne peut pas conserver la constitution sans un changement de mâles, ceux-ci devant être pris dans une autre tribu de la même race. M. Fisher Hobbs, le créateur de la race Essex améliorée, avait divisé sa souche en trois familles séparées, au moyen desquelles il maintint sa race pendant vingt ans, par une sélection judicieuse faite sur les trois familles distinctes[2]. Lord Western importa le premier une truie et un verrat napolitains. Après avoir appliqué à cette paire et à ses produits la génération consanguine jusqu’au point où la race menaçait de s’éteindre, il croisa ses porcs napolitains avec ceux de l’ancienne race d’Essex et fit ainsi le premier pas vers la race d’Essex améliorée. M. J. Wright, éleveur connu[3], croisa un verrat avec sa fille, sa petite-fille, son arrière-petite-fille, et ainsi de suite pendant sept générations. Le résultat fut que, dans plusieurs cas, les produits furent stériles ; d’autres périrent, et parmi ceux qui survécurent, un certain nombre étaient comme idiots, ne pouvant même pas téter la mamelle, et incapables de marcher droit. Il faut noter que les deux dernières truies résultant de cette longue série de générations consanguines, furent livrées à des verrats d’une autre famille, et produisirent plusieurs portées de porcs parfaitement sains. La

  1. Cottage Gardener, 1861, p. 337.
  2. Youatt. On the Pig, édit. de Sidney, 1860, p. 30, 33, citation de M. Druce ; — p. 29, cas de lord Western.
  3. Journ. Roy. Agric. Soc. of England, 1846 ; VII, p. 205.