Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
DE LA REPRODUCTION CONSANGUINE.

Une autre considération générale qui me paraît importante est celle que, chez tous les animaux ou plantes hermaphrodites, qu’on pourrait supposer s’être perpétuellement fécondés par eux-mêmes, et s’être ainsi reproduits pendant des siècles, dans les conditions de la consanguinité la plus rapprochée, il n’y a pas non plus une seule espèce dont la conformation soit telle, qu’elle ne puisse être fécondée que par elle-même. Au contraire, comme nous l’avons vu dans les cas succinctement rapportés dans le quinzième chapitre, il existe des conformations qui favorisent et amènent inévitablement à des croisements occasionnels entre un hermaphrodite et un autre de même espèce, et qui, autant que nous pouvons en juger, ne semblent pas avoir d’autre fin.


Il est hors de doute qu’en ce qui concerne le gros bétail, on ne puisse pousser les appariages consanguins assez loin avec avantage relativement aux caractères extérieurs, et sans inconvénients bien marqués quant à la constitution ; la même remarque peut aussi s’appliquer au mouton. Ces animaux sont-ils devenus graduellement moins susceptibles que d’autres aux mauvais effets de la consanguinité pour pouvoir vivre en troupes, — condition où les mâles vieux et vigoureux, ont l’habitude d’expulser tous les intrus, fait qui a pour conséquence leur appariage fréquent avec leurs filles, — c’est ce que je ne saurais décider. Le cas des Longues-cornes de Bakewell, qui ont été, pendant une très-longue période, soumis à la reproduction consanguine, a été souvent cité ; cependant Youatt[1] dit que la race avait fini par acquérir une constitution d’une délicatesse qui exigeait des ménagements tout spéciaux, et que sa propagation était toujours incertaine. C’est chez les Courtes-cornes qu’on trouve l’exemple le plus frappant d’une reproduction consanguine prolongée ; ainsi le fameux taureau Favourite (qui lui-même était le produit d’un demi-frère et d’une sœur de Foljambe), fut successivement apparié avec sa fille, sa petite-fille et son arrière-petite-fille ; de sorte que la vache produite de cette dernière union, contenait dans ses veines les 15/16 ou 93.75 pour cent, du sang de Favourite. Appariée avec le taureau Wellington, qui lui-même renfermait dans ses veines 62.5 pour 100 du sang de Favourite, cette vache produisit Clarissa ; laquelle, livrée au taureau Lancaster, aussi un descendant de Favourite, avec 68.75 pour 100 du sang de ce dernier, donna des produits de grand mérite[2]. Cependant Collins, l’éleveur de ces animaux et grand partisan lui-même des unions consanguines, croisa une fois sa souche par un Galloway, et obtint de ce croisement des vaches qui atteignirent les prix les plus élevés.

  1. Cattle, p. 199.
  2. Nathusius, Ueber Shorthorn Rindvieh, 1857, p. 71. — Gardener’s Chronicle, 1860, p. 270. — Plusieurs cas analogues sont donnés dans un travail récent de MM. C. Macknight et Dr H. Madden, On the true principles of Breeding, Melbourne, Australia, 1865.