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EFFETS DE LA DOMESTICATION SUR LA STÉRILITÉ.

la plupart des animaux et des plantes sont éminemment susceptibles d’être affectées par l’influence des conditions extérieures ; et ensuite nous discuterons brièvement la portée que peuvent avoir ces faits, ainsi que d’autres, sur les différences qui existent entre la fécondité des variétés et celle des espèces croisées.

La domestication élimine la tendance à la stérilité qui est si générale chez les espèces croisées. — Cette hypothèse, avancée d’abord par Pallas[1], a été adoptée par plusieurs auteurs. Je ne trouve presque pas de faits directs pour l’appuyer ; mais malheureusement personne n’a, ni dans les animaux, ni dans les plantes, comparé la fécondité de variétés anciennement domestiquées et croisées avec une espèce distincte, à celle de l’espèce primitive sauvage, croisée de la même manière. On n’a jamais comparé, par exemple, la fécondité du Gallus bankiva et de l’espèce galline domestique, croisés avec une espèce distincte de Gallus ou de Phasianus, essai qui serait du reste, dans tous les cas, entouré de bien des difficultés. Dureau de la Malle, qui a étudié de près la littérature classique, assure[2] que, du temps des Romains, le mulet commun était beaucoup plus difficile à produire que de nos jours. M. Groenland[3] signale un cas un peu différent, mais très-important : c’est celui de quelques plantes que, par leurs caractères intermédiaires et leur stérilité, on sait être des hybrides de l’Ægilops et du froment, et qui se sont propagées, depuis 1857, sous l’influence de la culture, avec un accroissement rapide de fertilité à chaque génération. À la quatrième génération, et ayant conservé leurs caractères intermédiaires, ces plantes étaient déjà devenues aussi fertiles que le froment ordinaire cultivé.

Les preuves indirectes en faveur de la doctrine de Pallas me paraissent être très-fortes. J’ai cherché à montrer, au commencement de cet ouvrage, que nos diverses races de chiens descendent de plusieurs espèces sauvages, ce qui est aussi probablement le cas pour le mouton. Il n’y a aucun doute que le Zébu ou bœuf indien à bosse n’appartienne à une espèce distincte de celle de notre bétail européen ; celui-ci, de plus,

  1. Act. Acad. Saint-Pétersbourg, 1780, part. II, p. 84, 100.
  2. Ann. des Sc. Nat., t. XXI, 1re  série, p. 61.
  3. Bull. Soc. Bot. de France, 27 déc. 1861, t. VIII, p. 612.