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CAUSES QUI ENTRAVENT

uns des essais faits par Gärtner sur des espèces distinctes, mais n’obtint que des résultats incertains, quelques-uns confirmatifs, le plus grand nombre contradictoires ; mais ces derniers me semblent néanmoins insuffisants pour renverser les conclusions auxquelles Gärtner a été conduit par des expériences faites sur une beaucoup plus grande échelle. M. Scott expérimenta, en second lieu, la fécondité relative d’unions entre des variétés de même couleur ou de couleurs différentes d’une même espèce. Ainsi il féconda six fleurs de la variété jaune du V. lychnitis, par leur propre pollen, et en obtint six capsules ; représentant par cent le nombre de bonnes graines contenues dans chacune, il trouva que la même variété jaune, fécondée par la blanche, avait produit sept capsules, contenant en moyenne quatre-vingt-quatorze graines. L’expérience faite de la même manière sur la variété blanche de V. lychnitis, fécondée par son pollen (six capsules), puis par le pollen de la variété jaune (huit capsules), donna comme rendement proportionnel en graines, 100 à 82. La variété jaune du V. thapsus par son pollen (huit capsules), et par la variété blanche (deux capsules), donna la proportion 100 à 94. Enfin la variété blanche du V. blattaria par son pollen (huit capsules), et par celui de la variété jaune (cinq capsules), donna le rapport de 100 à 79. Il résulte de ces essais que, dans tous les cas, les unions de variétés de couleurs dissemblables d’une même espèce ont été moins fertiles que celles des variétés semblables ; l’ensemble des cas réunis donne une diminution de fertilité dans le rapport de 86 à 100. Quelques autres essais furent encore faits, et, en total, trente-six unions de mêmes couleurs ont produit trente-cinq capsules saines, tandis que trente-cinq unions entre couleurs différentes n’ont produit que vingt-six bonnes capsules. Un V. phœniceum pourpre, fut encore croisé avec une variété rose et une autre blanche de la même espèce ; ces deux dernières variétés furent aussi croisées entre elles, et tous les produits de ces divers croisements donnèrent moins de graines que le V. phœniceum, fécondé par son propre pollen. Il résulte donc des expériences de M. Scott que, dans le genre Verbascum, les variétés semblables et dissemblables de couleur se comportent, quand on les croise, comme des espèces voisines, mais distinctes[1].

  1. Les faits suivants, donnés par Kölreuter dans Dritte Fortsetzung, p. 34, 39), paraissent d’abord fortement confirmer les assertions de M. Scott et de Gärtner, et le font, en effet, jusqu’à un certain point. Kölreuter assure, d’après de nombreuses observations, que les insectes transportent sans cesse le pollen d’une espèce et variété de Verbascum à l’autre, fait que je puis confirmer ; et cependant il a trouvé que les variétés blanches et jaunes du V. lychnitis croissent souvent mélangées à l’état sauvage ; de plus, ayant cultivé pendant quatre ans un grand nombre de ces deux variétés dans son jardin, elles restèrent constantes même par graine, et, croisées, elles produisirent des fleurs d’une nuance intermédiaire. On pourrait donc penser que les deux variétés doivent avoir, pour leur propre pollen, une affinité élective plus forte que pour celui de l’autre ; cette affinité élective de chaque espèce pour son propre pollen étant d’ailleurs un fait parfaitement bien constaté (Kölreuter, Dritte Fortsetzung, p. 39, et Gärtner, Bastarderzeugung). Mais la valeur des faits qui précèdent est fort amoindrie par les expériences de Gärtner, qui, au contraire de Kölreuter, n’a jamais obtenu (p. 307) une nuance intermédiaire dans ses croisements entre les variétés à fleurs blanches et à fleurs jaunes de Verbascums. De sorte que le fait des variétés blanches et jaunes se maintenant distinctes par graine, ne prouve pas qu’elles n’aient pas été mutuellement fécondées par le pollen que les insectes ont pu porter de l’une à l’autre.