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CROISEMENT.

demi civilisés aient dû alors se donner la peine de modifier par sélection leurs troupeaux mélangés, croisés et fluctuants. Cependant, les animaux les mieux adaptés aux conditions ambiantes auront survécu par sélection naturelle, et le croisement aura, de cette manière, indirectement contribué à la formation des races domestiques primitives.

Dans des temps plus modernes, et en ce qui concerne du moins les animaux, les croisements d’espèces distinctes n’ont contribué que pour peu ou même pour rien à la formation et à la modification de nos races. On ne sait pas encore si les espèces de Bombyx qu’on a récemment croisées en France donneront des races permanentes. Dans le quatrième chapitre, j’ai, avec quelque hésitation, fait allusion au fait qu’une nouvelle race provenant du lièvre et du lapin, appelée léporide, avait été créée en France, et était capable de se maintenir par elle-même ; mais on affirme[1] actuellement que c’est une erreur. Chez les plantes qu’on peut propager par bourgeons et boutures, l’hybridisation a fait des merveilles, comme chez les Roses, Rhododendrons, Pélargoniums, Calcéolaires et Pétunias. Presque toutes ces plantes peuvent facilement se propager par graines, mais peu ou point ne se reproduisent ainsi d’une manière constante.

Quelques auteurs admettent que le croisement est la principale cause de la variabilité, — c’est-à-dire de l’apparition de caractères absolument nouveaux. Il en est qui ont été jusqu’à le regarder comme en étant la cause unique ; mais les faits que nous avons donnés sur les variétés de bourgeons s’opposent à cette conclusion. Si l’opinion que des caractères qui n’existent chez aucun des parents ni chez les ancêtres, peuvent devoir leur origine au fait du croisement, est fort douteuse, celle qu’ils apparaissent fréquemment à l’occasion d’un croisement est très-probable ; mais la discussion de ce sujet sera mieux placée dans le chapitre où nous traiterons des causes de la variabilité.

Nous donnerons, au dix-neuvième chapitre, un résumé succinct de celui-ci et des trois qui vont suivre, en y ajoutant quelques remarques sur l’hybridité.



  1. Dr Pigeaux, Bulletins de la Soc. d’Acclimatation, t. III, juillet 1866, cité dans Ann. and Mag. of Nat. Hist., 1867, vol. xx, p. 75.