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HÉRÉDITÉ.

quatre truies pleines[1]. » Les espèces sonnantes, ainsi payées et repayées, sont un excellent critérium de la valeur de la supériorité héréditaire. Tout l’art de l’éleveur, qui a donné de si grands résultats depuis le commencement de ce siècle, repose sur ce fait de l’hérédité de chaque détail de conformation. L’hérédité n’est pourtant pas absolue, car si elle l’était, l’art de l’éleveur[2] serait la certitude même, et la part qui reviendrait à l’habileté et à la persévérance des éleveurs qui ont amené nos animaux domestiques à leur état actuel, ne serait que minime.

Il faut, pour pouvoir acquérir la conviction complète de la puissance de l’hérédité, avoir élevé des animaux domestiques, étudié les nombreux ouvrages qu’on a publiés sur le sujet, et causé avec des éleveurs. Je signalerai quelques faits, qui me paraissent particulièrement significatifs à cet égard. On a vu apparaître, tant chez l’homme, que chez les animaux domestiques, certaines particularités qui se sont présentées, à de rares intervalles, une ou deux fois seulement dans l’histoire du globe, sur un individu, mais qui ont reparu dans plusieurs de ses enfants ou petits-enfants. Ainsi l’homme porc-épic, Lambert, dont le corps était couvert d’une sorte de carapace verruqueuse, qui muait périodiquement, eut six enfants et deux petits-fils, présentant la même particularité[3]. Dans trois générations successives d’une famille siamoise, on a observé la présence de longs poils, recouvrant la figure et le corps ; cette anomalie était accompagnée de l’absence de dents ; le cas n’est point unique, car on a montré à Londres en 1663, une femme[4] dont la figure était entièrement velue ; et un autre cas plus récent a encore été signalé. Le Col. Hallam[5] a décrit une race de porcs à deux jambes, chez lesquels les membres postérieurs faisaient complètement défaut, particularité qui se transmit pendant trois générations. En fait, les races qui présentent des

  1. Pour les lévriers, Low, Dom. anim. of the British Islands, 1815, p. 721. — Pour les coqs de combat, Poultry Book, 1866, p. 123. — Pour les porcs, édition Sydney de Youatt, On the Pig, 1860. p. 11, 12.
  2. The Stud farm, par Cecil, p. 39.
  3. Philos. Transactions, 1755, p. 23. Je n’ai eu que peu de renseignements de seconde main sur les deux petits-fils. M. Sedgwick raconte que quatre générations furent ainsi affectées, et seulement les mâles de chacune.
  4. Barbara van Beck, figurée dans Woodburn’s Gallery of Rare Portraits, 1816, vol. II.
  5. Proc. Zool. Soc., 1833, p. 16.