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CHEZ LES ÊTRES ORGANISÉS.

ment a pu avoir lieu chez les animaux et les plantes hermaphrodites. Tous les animaux supérieurs et les quelques insectes qui ont été domestiqués, ont les sexes séparés et doivent nécessairement s’unir par couples pour chaque reproduction. Quant aux croisements des hermaphrodites, le sujet, trop considérable pour ce volume, sera traité dans un ouvrage subséquent. J’ai donné, dans mon Origine des espèces, un court résumé des motifs qui me portent à croire que tous les êtres organisés se croisent[1] occasionnellement, bien que, dans quelques cas, cela ne leur arrive qu’à de longs intervalles. Je rappellerai ici le fait que beaucoup de plantes, quoique hermaphrodites par leur conformation, sont unisexuelles par leurs fonctions ; telles sont celles que C. K. Sprengel a nommées dichogames, dans lesquelles le stigmate et le pollen de la même fleur mûrissent à des époques différentes ; ou celles que j’appellerai réciproquement dimorphes, dans lesquelles le pollen d’une fleur n’est pas apte à féconder son propre stigmate ; ou encore les fleurs assez nombreuses chez lesquelles il existe des combinaisons mécaniques curieuses qui rendent impossible toute fécondation de la fleur par elle-même. Il y a toutefois beaucoup de plantes hermaphrodites qui ne sont en aucune façon conformées spécialement de manière à favoriser l’entre-croisement, mais qui cependant, se mélangent aussi librement que les animaux à sexes séparés. C’est ce qui arrive aux choux, aux radis et aux oignons, comme je m’en suis convaincu par expérience ; les paysans liguriens disent même qu’il faut empêcher les choux de « s’amouracher » les uns des autres. Dans les orangers, Gallesio[2] remarque que l’amélioration des différentes sortes est empêchée par leurs croisements continuels et presque réguliers. Il en est de même pour une foule d’autres plantes.

On peut cependant signaler quelques plantes cultivées qui ne s’entre-croisent que rarement, comme le pois commun ; ou jamais, comme je crois que cela est le cas pour le pois de senteur (Lathyrus odoratus), bien que la conformation de ses

  1. Le Dr Hildebrand a publié un travail remarquable sur ce sujet relativement aux plantes : Die Geschlechter-Vertheilung bei den Pflanzen, 1867, dans lequel il arrive aux mêmes conclusions générales que moi.
  2. Teoria della Riproduzione, etc., 1816, p. 12.