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HÉRÉDITÉ.

que les caractères soient héréditaires, mais bien qu’il puisse y en avoir qui ne le soient pas. Dans un chapitre futur, consacré à l’exposé d’une hypothèse à laquelle je donne le nom de pangenèse, j’essayerai de montrer comment les caractères de tous genres se transmettent de génération en génération.

Quelques auteurs[1], auxquels l’histoire naturelle n’est pas familière, ont cherché à montrer que la puissance de l’hérédité a été fort exagérée. Cette assertion ferait sourire plus d’un éleveur d’animaux, et s’il daignait la relever, il demanderait probablement quelle serait la chance qu’on aurait de gagner un prix de course en appariant ensemble deux chevaux inférieurs ? Il demanderait encore, si ce sont des notions théoriques qui ont conduit les Arabes à demi civilisés à conserver les généalogies de leurs chevaux ? Pourquoi a-t-on scrupuleusement dressé et publié des généalogies du bétail Courtes-cornes, et plus récemment de la race Hereford ? Est-ce une illusion que la transmission des excellentes qualités de ces animaux, récemment améliorés, même lorsqu’on les croise avec d’autres races ? Est-ce sans de bonnes raisons qu’on a acheté, à des prix énormes, des Courtes-cornes, pour les transporter dans tous les pays du globe, et qu’on a donné jusqu’à mille guinées pour un seul taureau ? On a également dressé des généalogies de lévriers, et les noms de quelques-uns, comme Snowball, Major, etc., sont aussi connus des chasseurs, que ceux d’Éclipse et d’Herod le sont sur le turf. Autrefois, on dressait des généalogies des coqs de combat appartenant aux lignées en renom, et dont quelques-unes remontent à un siècle en arrière. Les éleveurs du Yorkshire et du Cumberland relèvent et impriment les généalogies de leurs porcs, et, pour montrer combien on estime les individus de race pure, je citerai M. Brown qui, à Birmingham en 1850, gagna tous les premiers prix pour les petites races, et vendit à lord Ducie pour le prix de 43 guinées, une jeune truie et un mâle de sa race ; la truie seule fut achetée ensuite par le Rev. F. Thursby pour 65 guinées, lequel écrit : « Elle m’a fort bien payé, car j’ai vendu ses produits pour 300 livres, et je possède d’elle encore

  1. M. Buckle, dans son ouvrage On Civilisation, exprime des doutes sur ce sujet, faute de documents statistiques. — M. Bowen, prof. de philosophie morale, Proc. American Acad. of sciences, vol. v, p. 102.