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PORCS.

qui sont noirs avec une bande blanche sous le ventre se réunissant communément sur le dos, ont repris ce caractère primitif et produisent des jeunes portant une livrée de lignes fauves comme les marcassins. Le même cas s’est présenté chez les porcs abandonnés dans l’établissement de Zambési sur la côte d’Afrique[1].

Autant que je puis le voir, c’est sur les porcs redevenus sauvages ou marrons que me paraît s’être fondée l’opinion, que les animaux domestiques rendus à l’état sauvage tendent à revenir complètement au type de leur souche primitive. Mais, même dans le cas spécial, cette opinion ne me semble pas suffisamment justifiée, car les deux types principaux du Sus scrofa et du Sus indicus n’ont jamais été distingués à l’état sauvage. Ainsi que nous venons de le voir, la livrée du marcassin reparaît chez les jeunes, et les sangliers reprennent toujours les crocs. Ils font également retour, par la forme générale du corps, la longueur des jambes et du groin, vers le type sauvage, comme on doit s’y attendre en raison de l’exercice qu’une fois livrés à eux-mêmes ils sont obligés de prendre pour se procurer leur nourriture. À la Jamaïque, les porcs marrons n’atteignent jamais la taille du sanglier européen, car ils ne dépassent jamais 20 pouces de hauteur à l’épaule. Dans divers pays, ils reprennent le poil rigide et les soies du sanglier, mais à des degrés différents, selon le climat ; ainsi les porcs redevenus à moitié sauvages dans les vallées chaudes de la Nouvelle-Grenade sont, d’après Roulin, très-chétivement couverts, tandis que chez ceux des Paramos, à une élévation

  1. Voir Roulin, Mém. prés. p. div. savants de l’Acad., Paris, t. VI, p. 326, pour les faits relatifs aux porcs redevenus sauvages. Ce récit ne s’applique pas à des porcs réellement redevenus sauvages, mais seulement introduits depuis longtemps dans le pays, et vivant à l’état demi-sauvage. — Pour ceux de la Jamaïque, voir Gosse, Sojourn in Jamaica, 1851, p. 386. — Col. H. Smith, Nat. Lib. IX, p. 93. — Pour l’Afrique, voir Livingstone, Expedition to the Zambesi 1865, p. 138. Le récit le plus précis sur les crocs des sangliers des Indes occidentales est de P. Labat, mais il attribue l’état de ces porcs à leur provenance d’une race domestique qu’il a vue en Espagne. L’amiral Sulivan qui a eu l’occasion d’observer les porcs sauvages dans l’îlot Eagle des Falkland, m’apprend qu’ils ressemblent à des sangliers à gros crocs, et ont le dos couvert de soies. Les porcs qui sont redevenus sauvages dans la province de Buenos-Ayres (Rengger, Säugethiere, p. 331) n’ont pas fait retour au type sauvage. De Blainville (Ostéographie, p. 132) à propos de deux crânes de porcs domestiques envoyés de Patagonie par Alc. d’Orbigny, remarque qu’ils ont la crête occipitale du sanglier européen, mais que du reste, dans son ensemble leur tête est plus courte et plus ramassée. À propos de la peau d’un porc redevenu sauvage de l’Amérique du Nord, il dit, qu’il « ressemble tout à fait à un petit sanglier, mais qu’il est presque tout noir, et peut-être un peu plus ramassé dans ses formes. »