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LEUR VARIATION.

ne connaît de pareils appendices chez aucune race sauvage, nous n’avons jusqu’à présent aucune raison pour les attribuer à un effet de retour, ce qui nous oblige d’admettre que certaines structures complexes, quoique inutiles en apparence, peuvent apparaître subitement sans l’aide de la sélection. Ceci jettera peut-être quelque jour sur l’apparition de ces hideuses protubérances charnues, d’ailleurs de nature toute différente des appendices ci-dessus mentionnés, qui se développent sur les joues du Phacochœrus africanus.

Tous les porcs domestiques ont les crocs beaucoup plus courts que les sangliers. Un grand nombre de faits montrent que dans tous les animaux l’état du poil est très-facilement affecté suivant qu’il est exposé ou soustrait à l’action directe des circonstances climatériques ; et de même que nous avons vu chez les chiens turcs une corrélation assez curieuse entre l’état du poil et celui des dents (nous donnerons plus tard d’autres faits analogues), ne serait-il pas permis de supposer que la réduction des crocs chez le sanglier domestiqué est en relation avec la disparition des soies, et résulte de ce qu’il vit à l’abri des intempéries ? D’autre part, comme nous le verrons immédiatement, dès que le porc retourne à la vie sauvage, et cesse ainsi d’être abrité, on voit reparaître les crocs et les soies. Il n’est pas étonnant que les crocs soient plus modifiés que les autres dents, car les parties qui fournissent des caractères sexuels secondaires sont toujours sujettes à varier.

On sait que les marcassins du sanglier d’Europe et de l’Inde[1] ont pendant les six premiers mois le corps marqué de bandes longitudinales claires. Ce caractère disparaît généralement par la domestication. Les jeunes porcs domestiques turcs[2], ainsi que ceux de Westphalie, quelle que soit leur nuance, ont cependant la livrée du marcassin. J’ignore si ces derniers appartiennent à la même race frisée que la turque. Les porcs qui sont redevenus sauvages à la Jamaïque et ceux à demi sauvages de la Nouvelle-Grenade, aussi bien les noirs que ceux

  1. D. Johnson, Sketches of Indian Field Sports, p. 272. — M. Crawfurd m’apprend que le même fait se présente chez les porcs sauvages de la péninsule Malaise.
  2. Pour les porcs turcs, voir Desmarest, Mammalogie, 1820, p. 391. — Pour ceux de Westphalie, voir Richardson, Pigs, their origin, etc. 1847, p. 41.