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LEUR VARIATION.

férentes contrées du globe, domestiquer plus d’une espèce ou race naturelle. On ne sait pas s’il existe actuellement de cheval primitivement et réellement sauvage, car quelques auteurs croient que ceux auxquels on donne aujourd’hui ce nom en Orient proviennent de chevaux domestiques échappés[1]. Si nos chevaux domestiques sont la descendance de plusieurs espèces ou races naturelles, il est à présumer que celles-ci se sont complètement éteintes à l’état sauvage. D’après nos connaissances actuelles, l’opinion commune que nos races descendent d’une espèce unique, est peut-être la plus probable.

Les conditions extérieures paraissent avoir des effets directs et considérables sur les modifications éprouvées par les chevaux. M. D. Forbes qui a eu d’excellentes occasions pour comparer les chevaux espagnols à ceux de l’Amérique du Sud, m’assure que les chevaux du Chili qui se sont trouvés à peu près dans les mêmes conditions que celles de leurs ancêtres d’Andalousie, sont restés inaltérés, tandis que les chevaux des Pampas et les poneys punos se sont fortement modifiés. Il n’est pas douteux que les chevaux diminuent considérablement de taille, et changent d’apparence en vivant sur les montagnes et dans les îles, ce qui est probablement dû au manque d’une nourriture variée et substantielle. Tout le monde sait combien les chevaux deviennent petits et rudes dans les îles du Nord et les montagnes de l’Europe. La Corse et la Sardaigne ont leurs poneys indigènes, et il y a encore dans quelques îles de la côte de Virginie[2], des poneys comme ceux des îles Shetland, dont on attribue l’origine à l’action des conditions défavorables auxquelles ils ont été exposés. Les poneys punos qui habitent les régions élevées des Cordillères, sont d’après M. Forbes, d’étranges petites créatures très-différentes de leurs ancêtres espagnols. Plus au midi, dans les îles Falkland, les descendants des chevaux importés en 1764 ont déjà tellement dégénéré en taille[3] et en force, qu’ils sont devenus impropres à la chasse du

  1. M. W. C. L. Martin (The Horse 1845, p. 34), combattant l’opinion que les chevaux sauvages de l’Orient ne sont que des chevaux redevenus sauvages, fait remarquer l’improbabilité que l’homme ait pu autrefois extirper complètement une espèce dans des régions où elle se trouve actuellement en si immenses quantités.
  2. Transact. Maryland Acad., v. I, p. 28.
  3. M. Mackinnon Sur les îles Falkland, p. 25. La hauteur moyenne des chevaux de l’île Falkland est de 14 mains et 2 pouces. Voir aussi mon Journal of researches.